Lors de ses promenades sur les rochers ou les « laisses de mer », ces lieux intermédiaires entre mer et terre, il prélève des eaux qu’il assèche par ébullition.
L’eau une fois évaporée laisse apparaître le sel, les débris de matières dégradées par le temps et les traces de plus en plus visibles de l’activité humaine.
La composition figée du sel sous forme d’amas, de reliefs dessinant des vallées et des plaines constituent déjà pour Souheil un monde à explorer, le scintillement diamanté du sel et sa blancheur vibrante ajoutant au rêve.
À cette pureté sont de plus en plus mêlés des déchets de notre civilisation. Jamais la mer n’a eu à charrier autant de matières résistantes aux courants et au sel. Des continents de matières plastiques perdurent désormais entre deux eaux ou sont rejetés sur nos bords de mer.
Souheil en rend compte. Ses œuvres sont des photographies en trois dimensions d’un moment de la mer (à un lieu précisé sur le socle, de même que la température et la météo).
Algues, végétaux, branches érodées déposées sur un lit blanc forment des compositions étranges, quasi abstraites.
Encadrées soigneusement comme des bijoux, éclairées, sonorisées et légendées, les œuvres de Souheil Salamé inspirent une quiétude et une in-quiétude.
Depuis peu, l’artiste crée de nouvelles cristallisations à partir de sels gemmes de différentes régions du monde. Provenant de mers souvent disparues, ils contiennent « les mémoires d’un temps lointain, les archives des soubresauts de la Terre et de l’infinitude du temps » (Souheil).
Ces sels mis au jour ajoutent des couleurs à ses œuvres : sel noir de l’Himalaya, rouge d’Hawaï, jaune du Cachemire…
Une fois ses compositions réalisées, elles sont insérées entre deux épaisseurs de verre et présentées dans de grandes boîtes en bois. Un dispositif récent permet au regardeur de les éclairer par l’arrière pour en apprécier la profondeur ou de les voir à la lumière ambiante, offrant ainsi deux visions très différentes de la même œuvre.
L’exposition de Souheil Salamé est présentée à la Librairie-Galerie Rabelais accompagnée des « marines verticales » de Françoise Maunoury, des photographies évoquant la mémoire, la mer, et un temps sur lequel l’homme n’aura jamais aucune prise.