Né en 1937 à Madrid, Eduardo Arroyo, méditerranéen par excellence est un peintre, graveur, lithographe, sculpteur et décorateur de théâtre, représentant majeur de la Figuration narrative et la Nouvelle figuration. C’est donc tout naturellement que l’Hôtel des Arts a fait le choix, sous le commissariat d’Oliva María Rubio, de présenter un pan significatif de l’oeuvre du célèbre artiste espagnol.
Ayant comme point de départ le portrait, présent tout au long de sa carrière, l’exposition Eduardo Arroyo – La force du destin présentée à l’Hôtel des Arts du 17 octobre 2015 au 10 janvier 2016 dévoile de multiples peintures, de multiples dessins, de multiples photographies, de multiples collages, de multiples sculptures, soit de multiples raisons de s’interroger sur ses différents modes d’expression.
Présentation de l’exposition
[extraits du catalogue de l’exposition Eduardo Arroyo – La force du destin]
La force du destin a pour objet de parcourir l’ensemble de l’oeuvre de l’artiste en prenant pour leitmotiv le thème du portrait.
En effet, le portrait est présent dans toute la carrière artistique d’Eduardo Arroyo, puisqu’il débuta à l’âge de quinze ans en publiant des caricatures dans les journaux espagnols Pueblo et Arriba, éveillant ainsi sa future vocation de peintre. Les portraits furent ensuite un moyen de gagner sa vie lorsqu’il s’exila à Paris en 1958, où il peignait dans les cafés et sur les trottoirs de la ville. Dès lors, son obsession pour le portrait a toujours été présente dans son oeuvre.
Toutefois, comme le reste de sa peinture, ses portraits se distinguent par leur originalité, une singularité que l’auteur attribue au fait qu’il n’a pas suivi de formation picturale.
Quand Arroyo arrive à Paris, sa peinture est considérée comme novatrice.
Elle exprime un regard original car éloigné des tendances de l’époque, à savoir l’abstraction lyrique française, l’École de Paris et l’école figurative. C’est pourquoi la plupart de ces portraits ne sont pas une description fidèle des visages, hormis de rares exceptions comme le portrait du boxeur Marcel Cerdan, 1972, ni une analyse psychologique des personnages. Il s’agit de portraits schématisés et caricaturaux, souvent de simples silhouettes qui, comme le reste de sa peinture, peuvent être associés à la « nouvelle figuration » ou « figuration narrative », courant apparu dans les années 1960 qui tentait de rompre avec l’hégémonie de l’abstraction et de la peinture figurative, qui prédominaient à l’époque.
L’artiste a fait appel à toutes les techniques et disciplines pour réaliser ses portraits : huile, dessin, estampe, collage, photographie ou sculpture. Ils sont peuplés de personnages historiques, d’hommes politiques, d’écrivains, de peintres, de cinéastes, de chanteurs de flamenco, de boxeurs, de saints, de personnes de son environnement familial mais aussi de personnages de fiction. […]
Dans la sélection d’oeuvres réalisée pour l’exposition Eduardo Arroyo : La force du destin, retraçant l’ensemble de sa carrière depuis les années 1960, on trouve des personnages historiques comme Cléopâtre, Frédéric le Sage, la Princesse d’Éboli ou la reine d’Angleterre, des peintres comme Joan Miró, Vincent van Gogh, Valerio Adami ou Marcel Duchamp, des philosophes comme Walter Benjamin, Michel de Montaigne ou René Descartes, des écrivains comme Miguel de Cervantes, Stendhal, Gustav Flaubert, Josep Roth, Stefan Zweig ou Max Aub, et des personnages de fiction comme Mickey Mouse, Don Quichotte, Doña Inés ou Fantômas.
Comme dans toute son oeuvre, on y retrouve également de grands noms de la boxe, personnages déracinés qu’il admire, comme Marcel Cerdan, Panama Al Brown ou Kid Chocolate. […]
Le caractère narratif de son oeuvre est également visible dans les titres. L’artiste juge les titres très importants parce qu’ils permettent, comme il l’explique, de situer le tableau « dans le temps, dans l’histoire et dans l’avenir ». Les titres sont un référent qui guide la lecture de son oeuvre, qui donne des pistes sur son contenu, qui agrandit l’image représentée. Cette imbrication entre la littérature et la peinture, entre le mot et l’image, n’est pas étrangère au désir d’Arroyo de se consacrer à l’écriture, ce qu’il a fait d’ailleurs tout au long de sa carrière, parallèlement à son oeuvre picturale.[…]
La passion d’Eduardo Arroyo pour la littérature est visible dans les nombreux portraits d’écrivains qu’il a réalisés tout au long de sa carrière. Huile, crayon, collage, estampe, il a employé toutes les techniques pour représenter les écrivains qu’il admire. De grands auteurs universels, tant modernes que classiques, ont été l’objet de son hommage.[…]
Son oeuvre sculpturale comprend également des portraits d’écrivains, d’artistes, de dieux de l’Antiquité ou de personnages de fiction comme Sherlock Holmes, Fantômas, Doña Inés ou Mickey Mouse.
On retrouve dans ces portraits sculpturaux le schématisme et la tendance à la caricature de ses huiles et ses oeuvres sur papier, par exemple dans les portraits de Dante, Tolstoï et Balzac, de même que le recours à certains symboles caractérisant les personnes représentées.[…]
Eduardo Arroyo a également travaillé avec le support photographique, un aspect de son travail moins connu que les autres.
Il a également réalisé à l’aide de cette technique de nombreux portraits de tous types de personnages, qu’ils soient réels ou de fiction. Peignant ou dessinant sur des photos qu’il manipule, ou bien les utilisant pour réaliser des collages en les juxtaposant ou en les mêlant à des dessins ou des peintures, Arroyo a employé cet instrument tout au long de sa carrière, bien qu’il n’ait jamais utilisé de photo prise par lui même.[…] Les oeuvres photographiques couvrent la période de 1974 à 2014, date des dernières réalisées. Les clichés qu’il utilise sont puisés dans des albums de photos de famille, des albums personnels, des livres ou des journaux, mais aussi des photos acquises dans des magasins ou sur des marchés. Comme pour de nombreux autres artistes, la photographie est un outil qui accompagne Arroyo pendant plusieurs décennies d’activité. Toutefois, tandis qu’il se met à peindre des toiles de grand format, surtout à partir des années 1980, Arroyo conserve un format aux dimensions plutôt réduites lorsqu’il fait appel à la photographie. Arroyo déteste la photographie grand format et considère que la poésie de la photographie réside dans l’image petit format, qui oblige à se rapprocher pour la regarder, la fouiller et l’examiner. Ces oeuvres dans lesquelles la photographie joue un rôle principal portent par essence l’empreinte de leur auteur. On y retrouve le caractère narratif et la mise en scène de son oeuvre picturale, ainsi que le travail en série et les thèmes, mythes et personnages habituels. […]
Cet ensemble de portraits relevant de toutes les disciplines et techniques et de personnages issus de tous les milieux constituent un corpus de travail varié et riche qui nous invite à pénétrer dans le territoire créatif de l’artiste et nous révèle les différentes facettes de son travail de création.
Oliva María Rubio
Commissaire de l’exposition