| Retour

Fin de cet événement Janvier 2016 - Date du 18 décembre 2015 au 31 janvier 2016

Della Monica, Décadrages

Depuis ses premières photos de sa sœur alors qu’il avait 18 ans, Serge Della Monica n’a cessé de rechercher l’étrange (l’être-ange) qui se cache dans le visible. Passionné de littérature et de poésie - il en écrit - il voit aussi le monde à travers le regard de ses auteurs favoris.

C’est une photo de Guy Bourdin qui attire en premier son œil et lui donne envie d’explorer cet art qu’il pratique déjà sans le savoir. La mode, la mise en valeur de la beauté féminine toujours changeante, déshabillée ou couverte de beaux vêtements, l’intéresse.
La mode, c’est le modèle, l’égérie du photographe. Le couple modèle-photographe s’est imposé rapidement dans les revues créées spécialement pour elle.
S’il existe à partir de 1910 des photos qu’on pourrait qualifier de mode, le genre se répand dans les années 1930, mais c’est après la seconde guerre mondiale qu’il connaît une gloire qui court toujours. La photo a rapidement supplanté l’illustration de mode dont, au début, elle a repris les codes (décors surchargés, poses hiératiques, mannequins statiques) avant de les transgresser.
Progressivement, elle s’est extraite du papier journal puis du papier glacé. Les supports se multi-plient, elle devient un genre (Newton dit que ce qui l’intéresse, c’est la photo kleenex de magazine) Irving Penn, Bourdin, Richard Avedon lui donnent ses lettres de noblesse, et avec Man Ray, elle pénètre dans l’art).

© Della Monica

La rencontre de Serge Della Monica avec Peter Knapp, alors directeur artistique de Elle, est déterminante. Il apprécie ses photos et le choisit pour un article paru dans la revue Photo-Cinéma sous le titre : "Les 10 meilleurs photographes qui vont laisser leur nom dans les années 80".
Il devient l’assistant du photographe de mode Roland Bianchini qui travaille pour l’Officiel de la Mode, Vogue, etc. Des années riches pendant lesquelles il apprend tous les savoir-faire (éclairage, définition, tirage, etc.), même s’il a l’impression de se perdre un peu dans la technique : « j’ai mis 10 ans pour comprendre qui j’étais ».
Sa relation avec une journaliste suédoise l’amène à travailler pour les deux plus grands magazines suédois pour lesquels il réalise des portraits de célébrités du cinema, du livre, de la danse (Mel Brooks, Paco Rabanne, Kaurismaki, Tavernier, etc.)

© Della Monica

Découvrant le spectacle Café Müller, il a coup de foudre pour Pina Bausch. Elle acceptera de poser pour de très belles photos qui rendent compte de la sombre originalité de la danseuse et chorégraphe qui a révolutionné son art. Délaissant les pas et les formes répétitives, elle s’intéresse à l’anatomie et à l’esprit de chacun des danseurs pour mieux les aider à exprimer leur singularité.
Serge la photographie dans un état quasi amoureux (elle lui fera la bise). Ses photos restent une référence pour son travail.
Inspiré aussi par les films muets, Fritz Lang, le cinéma italien des années 70 : Fellini, Visconti, Bergman, Bertolucci (Le dernier tango à Paris est un de ses films cultes), et Woody Allen et Almo-dovar, pour les contemporains.
En trente ans de travail, il a exploré de nombreux domaines de la photographie : défilés de mode (Lanvin, Ricci, Armani, etc.), catalogues (pour le BHV), salons, concours (Lépine), affiches panoramiques (4 x 3 m) pour le métro et les supports urbains... Parutions dans À nous Paris, Le Monde, Libération, Télérama, Figaro, Nouvel Observateur, etc. Il travaille pour des agences de presse et a été longtemps pigiste pour la revue Imprévu dirigée par Patrick Ribes.

© Della Monica

Il revient ensuite à un travail plus personnel reliant la poésie, le dessin et la photo. Ses décadrages obliques mettent le modèle dans un déséquilibre qu’il compense par des compostions originales ou l’architecture à une grande part. Attiré par les rails, les gares de triage, les usines (« un enfer compensé par la solidarité humaine de ceux qui y travaillent »), les architectures un peu vides. Il compose des images sombres, souvent en rapport avec la maladie (photos de pansements, de radiographies, de lieux médicaux, etc.), associant la beauté avec la souffrance, l’instantané, dans sa volonté d’arrêter le temps pour le faire durer éternellement étant une façon de repousser la mort.

© Della Monica

Sa série avec des poupées fait naître un malaise dû au contraste entre la représentation figée de femmes en réduction, objet de toutes les projections imaginaires des petites filles, et l’adolescente qui la néglige et l’oublie. La poupée est dans un coin, comme esseulée, traînée négligemment au bout de la main ou abandonnée sur une plage (l’homme, nouvel objet de désir, n’est pas loin).
D’autres séries de Della-Monica interrogent le couple, la fragilité et la poésie du regard féminin, le miroir.
Chaque photo est travaillée en amont par des croquis, des dessins qu’il montre à ses modèles pour leur expliquer ce qu’il cherche à représenter, à exprimer.

© Della Monica

Photo de Une : © Serge Della Monica

Artiste(s)