ARTISTES : Frédéric BOUFFANDEAU, Renaud JACQUIER STAJNOWICZ, Jérémie SETTON, András WOLSKY
Chez Frédéric Bouffandeau et András Wolsky, le choix d’une matrice -ronde et souple chez le premier ; linéaire et anguleuse chez le deuxième- engendre une interactivité entre l’artiste et son oeuvre. Par des jeux de glissements, de superpositions ou de rotations induits ou non par le hasard, ces artistes proposent des compositions dynamiques qui opèrent souvent un passage du plan au volume.
De même les formes peintes de Renaud Jacquier Stajnowicz n’habitent plus seulement la toile mais tout l’espace qui les entoure puisqu’elles relient les 3 plans traditionnels que sont le mur, le sol et le plafond. Les toiles sont posées, imbriquées et invitent au déplacement tout comme le "Square" de Jérémie Setton se dévoile par les modifications de l’incidence de la lumière causées par les déambulations du spectateur. Il s’agit donc d’explorer la peinture et son rapport à l’espace : révéler la structure, le contenu et le caractère propre d’un espace et d’un lieu.
En quittant la planéité le peintre envahit l’espace et fait entrer le spectateur dans la toile pour reconsidérer la situation de la peinture au sein même du lieu où elle se trouve.
Cette exposition est aussi l’occasion de faire découvrir au public le travail d’András Wolsky, artiste hongrois en résidence à l’Espace de l’Art Concret du 01 octobre au 15 novembre 2014.
Frédéric Bouffandeau
Né en 1966, vit et travaille à Angers et Paris.
L’oeuvre de l’artiste trouve son origine dans une réflexion sur les moyens, les impasses et les issues de la peinture. L’artiste développe un travail graphique et pictural au moyen d’une matrice qu’il multiplie par glissement pour envahir l’espace. Déployée, la peinture accroît ses effets sur un spectateur placé au centre du dispositif. Les reprises et superpositions, les déplacements et rotations dont cette forme-matrice fait l’objet ont généré des structures linéaires et réticulées, all over, des stratifications de plans colorés, opaques ou translucides, des découpes aléatoires générant à leur tour de nouvelles configurations formelles.
Renaud Jacquier Stajnowicz
Né en 1952, vit et travaille à Chavanod.
Pour Renaud Jacquier Stajnowicz, si sa peinture s’inscrit dans une continuité traditionnelle de moyens, ( le support, châssis toile de lin, l’encollage, la matière : "la peau de la peinture" ) elle est aussi un questionnement sur son
rapport à l’espace et à son appréhension à la fois corporelle, esthétique et mentale. Objet peinture qui s’affirme ici comme un corps redressé, disposé, là, prêt à la rencontre. Nous avons dans cet espace, la même oeuvre disposée
de deux manières différentes.
Les oeuvres sont concrètement par leurs matérialité, en relation, en rapport avec le lieu d’accueil, ici, le mur, les angles. Ces rencontres sont une "élévation amoureuse", l’une inspir : extension, l’autre expir : contraction. Elles confirment ici l’organicité des oeuvres. Au dedans de l’oeuvre, le rapport noir/blanc (intériorité), au delà de l’oeuvre l’ouverture sur le lieu( extériorité). Il n’est
plus question d’habiter seulement la toile, par la dépose d’une trace peinture, mais de faire que l’oeuvre habite cet espace, ce volume, avec les contraintes qu’il propose. Pas de violence ici, tout est relation. Relation dans et avec le lieu, dans lequel est inclut par sa présence même le spectateur ; celui ci par sa déambulation se déplace dans l’oeuvre qui est, au delà des propositions de Jacquier Stajnowicz, la totalité, l’espace même du lieu. Ces propositions artistiques sont une réconciliation, avec une réalité, là, maintenant.
Jérémie Setton
Né en 1978, vit et travaille à Marseille.
Le trompe-l’oeil, l’illusion sont aussi au centre du travail de Jérémie Setton. Dans ses modules ou installations, pour lesquels on laissera au lecteur le choix de l’épithète esthétique adéquate (car il s’agit de modules autant picturaux sculpturaux que performatifs), l’artiste se plaît à renverser les paradigmes habituels de la tradition picturale, qu’elle soit d’ailleurs abstraite ou figurative. Là où pendant des siècles, l’art occidental a essayé de créer et de convoquer sur un support plan l’illusion de la tridimensionnalité mimétique ou la construction d’une spatialité picturale abstraite, il semble poursuivre un objectif diamétralement opposé : car chez lui la peinture sort du plan, voire du cadre, elle est appliquée à un objet tridimensionnel dont elle vise à annihiler précisément la plasticité afin de le faire apparaître uni et bidimensionnel. Tout le travail de Jérémie Setton consiste donc à faire l’inverse de ce que nous propose traditionnellement l’image : ici, l’objet est présent mais il est mis en absence, soustrait au regard par un jeu d’équilibre entre la couleur et la lumière.
« L’image est quelque chose qui est donné à voir dans l’absence de l’objet
représenté. L’image met en fait en présence l’absence de l’objet représenté. Dans la peinture classique, le meilleur peintre est celui qui fait croire à l’autre que ce qui est représenté est réel. Quand je fais disparaître un volume, je renverse une tradition qui consiste à donner l’illusion d’un volume sur un plan, en mettant un plan sur un volume ».
András Wolsky
Né en à 1969, vit et travaille à Budapest.
L’artiste crée ses oeuvres selon un système de règles déjà établies, généré par le possible et l’instant. Ce système de règles, volontairement réduit à un cadre étroit, rend l’oeuvre visible dans le temps en couches successives.
Ses oeuvres ne peuvent donc être considérées comme étant le fruit de sa seule création. Elles sont le résultat d’une collision entre un ordre géométrique et l’imprévisible. Elles interrogent la part d’aléatoire et d’intentionnel présente dans toute création. Les peintures géométriques d’András Wolsky renvoient simultanément à l’avant-garde des années 20 et 30 tout en évoquant l’art systématique et conceptuel des années 70.
Dans ses oeuvres, des lignes colorées se croisent sur un fond déterminé, peint le plus souvent en blanc, en noir ou en gris. Il est impossible de discerner les lignes résultant d’un processus aléatoire de celles dont le positionnement est parfaitement maîtrisé. « J’ai longtemps été intéressé par le fait du hasard dans mon travail. Appréhender le hasard dans le processus créatif, me permet d’expérimenter des phénomènes inattendus. Avant toute création, j’ai une vague idée du résultat futur, sans pour autant que celui-ci ne se résume qu’à une vue de l’esprit. »
Commissariat : Fabienne Fulchéri, assistée de Claire Spada