Le public s’interroge sur les raisons qui ont conduit à cette mise en regard de deux artistes dont l’un est âgé de 94 ans et l’autre de la moitié.
Du point de vue du spectateur, on trouve une ressemblance dans le fait qu’on y trouve beaucoup de dessins et dans ce que ces œuvres présentées ont de mouvant, de sensible et de très jeune avec quelque chose d’immatériel et d’élégant.
Une œuvre immense, car celle de toute une vie.
Gianfranco Baruchello produit ce sentiment de fragilité. Son appréhension du temps et de l’espace se retrouve aussi sous d’autres formes chez le plus jeune. Tous les deux semblent se regarder l’un l’autre par-dessus la charnière de deux siècles, se retrouvent dans une sorte de fraternité en s’emparant du dessin comme ce qui reste d’une expérience de vie.
Gianfranco Baruchello est inconnu de ce côté de la frontière. Militant, poète, cinéaste et peintre, les circonstances de le croiser étaient pourtant nombreuses. Ce simple constat : « nous ne le connaissons pas… » est un mystère. La pensée multiforme de ce plasticien, ami de Roberto Matta, qui a couru les rues de Rome en Ferrarri avec Marcel Duchamp et qui rencontre John Cage, se développe encore. Il traverse le XXe siècle jusqu’à ce XXIe sans céder, continue à travailler « comme un rhizome » commente l’historien d’art et commissaire d’exposition Nicolas Bourriaud.?
L’exposition que lui consacre la Villa Arson une large rétrospective des années 60 à nos jours.
- Détail d’une oeuvre de Gianfranco Baruchello. (DR AC)
Elle demande au spectateur du temps pour l’appréhender. Selon Nicolas Bourriaud : « on peut rester des heures devant ses toiles pour les examiner ». Il faut s’approcher pour interroger les détails minutieusement peints qui parsèment l’espace blanc. On s’en éloigne pour planer au-dessus d’une sorte de paysage mental comme le ferait un oiseau.
Une délicate construction ressemble à une ruche dont les alvéoles sont remplies de rouleaux soigneusement classés : c’est La Grande Bibliothèque qui est faite de « crayon, encre de chine, pastel, peinture à l’eau, feutre, vernis industriel, carton, coupures de journaux, photographies, photocopies, grains de blé, bambou, insectes, pièces de monnaie, pierres, fil de coton, stylo à plume, règle, tissus, aluminium, bois, plexiglas ».
Encore Nicolas Bourriaud :« sa pensée est fragmentaire, faite de notes et de commentaires en bas de page du livre de la modernité », dans une même œuvre il utilise : crayon, encre de chine, pastel, peinture à l’eau, feutre, vernis industriel, carton, coupures de journaux, photographies, photocopies, grains de blé, bambou, insectes, pièces de monnaie, pierres, fil de coton, stylo à plume, règle, tissus, aluminium, bois, plexiglas.
- dessins de Gianfranco Baruchello (DR AC)
Ces traces, ces signes, ces annotations comme tentatives de capture du réel, on les retrouve chez Nikolaus Gansterer qui avance le titre Con-Notation.
Le plasticien utilise le dessin dans des séances de travail tenues dans un état proche de la méditation pour appréhender ses perceptions. C’est un exercice d’équilibriste que de saisir ce qui se dérobe : saisir « l’immatérialité ! Cela produit une œuvre aérienne et sensible. Il y a quelque chose de musical dans cette tentative, car la musique est quelque chose qui apparaît et disparaît.
- Nikolaus Gansterer (DR AC)
Par conséquent la notion de temporalité (moments, durée) est centrale dans son œuvre. Il emploie toutes les moyens qui sont à sa disposition, des plus sophistiqués aux plus simples : vidéo, installation, tableaux éphémères à la craie en partie effacés, dessins au crayon fixés dans le temps par les heures durant lesquels ils ont été exécutés, sabliers arrêtés, mobiles arachnéens.
- Dessin de Nikolaus Gansterer (DR AC)
- Dessin de Nikolaus Gansterer (DR AC)
Certaines œuvres ont été produites en résidence à la Villa Arson, ce qui a donné l’occasion à Nikolaus de travailler en collégialité avec des artistes exerçant d’autres pratiques et d’élargir sa pratique : un philosophe architecte sonore Alex Arteaga, une artiste chorégraphe Lilia Mestre, une historienne d’art Sophie Orlando et la plasticienne Katrin Ströbel.
Annick Chevalier