Être collectionneur, l’être humain l’a toujours été
- Portrait des collectionneurs (Gérard Eli & Danielle Santini) par Jean-Michel Sordello.
Des études préhistoriques ont découvert des jolies pierres rondes et blanches dans des lieux très éloignés de leur origine, preuve qu’elles ont suscité chez un individu l’envie de les conserver, de les accumuler, et de les transporter avec soi pour leur beauté ou pour la valeur sacrée dont il les investissait. Les pierres gravées, les sculptures en bois puis les peintures ont également fait l’objet de collections avant que ne se constituent les pinacothèques (dépôt de tableaux) dont les ecclésiastiques et les princes ont été les premiers commanditaires.
Le regard du collectionneur est un regard à la fois savant et très subjectif, monomaniaque ou généraliste, celui de Danielle Santini, commissaire de l’exposition, montre une grande ouverture : céramique, photographie, sculpture, dessins, un vaste panorama de la création actuelle.
Dans cette exposition, on retrouve les préoccupations artistiques de la fin du vingtième siècle et de ce début du vingt et unième siècle.
- Max Charvolen lors de l’installation de sa pièce. DR
Cette collection est composée d’œuvres conceptuelles et décalées comme le superbe « Peu » de Jean Mas, les « Fragments de patchwork » de Marcel Alocco, le « Drapeau Communiste de l’Europe » de Serge III, les « Fenêtres » de Miguel, le « Panthéon » de Pedinielli, les « Mises à plat » de Charvolen, les « Réflexions déplacées » des miroirs de Taride, mais aussi des peintures à l’huile comme ce tableau sombre et éblouissant de Franta, les « Foules de personnages » de Jo Guichou, l’« Autoportrait » de Morini où les « Anges » d’Ultra Violet.
Sont présentés également les peintures-sculptures de Gilli ou de Gérard Eli, les sculptures en terre de Marc Piano, celle en plexiglas de Vernassa « Contrainte », un « Anti-Buste » de Thibaudin, les céramiques colorées de Lesné, ainsi que deux intéressantes œuvres numériques : « le Grand Canal de Venise » de Jacques Godard et « Les Gardiens » d’Yves Hayat. Des photographies aussi, notamment un surprenant photomontage d’André Villers.
- Panthéon : Jean Prouvé" de Gilbert Pedinielli. DR
Une composition monumentale d’un artiste de la nouvelle génération, Hicham Lidrissi, réactivant la mémoire de temps très anciens, est installée ici en première présentation au public.
- Hicham Lidrissi DR
De très nombreuses autres œuvres ponctuent le parcours du château admirablement restauré où l’on est accueilli à l’entrée (on passe dessous) par deux superbes acrobates en bronzes à taille humaine (allongés sur filins) de Lavarenne.
- Une entrée poétique au Château en passant sous les oeuvre de Lavarenne DR A.A
L’accrochage parfait de Frédérik Brandi privilégie une confrontation ludique de ces œuvres de tous styles, à charge au regardeur de créer son propre cheminement mental.
Pour la couverture du catalogue, il a choisi le superbe graphisme coloré en rouge et bleu de la « Coque Madrépore » de Bernard Reyboz, creusée du logo du Château.
A ne pas manquer, au dernier étage l’exposition rétrospective et émouvante (dix ans déjà qu’il nous a quittés) de Bruno Mendonça. Sont présentées des œuvres dont certaines avaient fait l’objet d’une donation à la Ville de Carros par sa compagne Marie de Lorenzo.
Bruno Mendonça, le passeur de sens
- Portrait de Bruno Mendonça par Jacques Renoir (2008).
Fasciné par la lettre, le chiffre, l’écrit, la communication avec l’autre à travers une multitude d’activités : peinture, sculpture, éditions, installations, dessins, livres-objets, Bruno Mendonça pose un regard décalé sur l’objet ; ainsi, outils, armes, instruments de musique (provenant de civilisations différentes) ont été revisités et déchiffrés. Un travail de Sisyphe, tant chaque noyau humain crée ses propres signes, distincts, uniques, et à variations infinies.
Par ses travaux et sa sensibilité extrême, Bruno nous propose d’accroître nos connexions à l’histoire, de réapprendre les énigmes. Il s’agit de rechercher des passerelles pour accéder à d’autres évocations du monde que celle d’un ethnologue ou d’un linguiste (sa formation à Science Po lui a donné une méthode proche d’un sociologue).
Observateur critique de notre monde accéléré et déséquilibré, Bruno Mendonça avec ses constats poétiques, ses propositions, ses déconstructions/reconstructions, nous interroge sur notre avenir.
A travers des logiques poussées à l’extrême et une recherche-interrogation qui passe par le développement de relations entre science, littérature et arts plastiques, son travail propose une relecture du monde engageant une réflexion globale et une spiritualité dégagée des dogmes.
- Un peu de Jean Mas DR AA