Ce projet a permis de fédérer autour du FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur des professionnels culturels de proximité, des conseillers pédagogiques, des enseignants des premier et second degrés afin de partager leurs compétences et leurs réflexions communes en matière d’éducation artistique et culturelle.
Les oeuvres sélectionnées sont issues du Fonds Régional d’Art Contemporain et du Fonds Communal d’Art Contemporain de la Ville Marseille et portent sur la relation à l’autre et sur l’idée de voyage (imaginaire et géographique). Elles interrogent ce qui nous est étranger et qui par là, remettent en question nos certitudes et bouleversent nos repères. Leur sujet ne fut pas le seul critère de choix, Il a fallu aussi prendre en compte leur capacité de dialogue et d’intégration dans les salles d’exposition.
Si l’exposition s’intitule « Changement de caps » c’est en raison de l’extrême variété des oeuvres (différentes de par leurs qualités plastiques et leur propos) et de la scénographie, élaborée de façon à proposer au spectateur plusieurs itinéraires et lieux de réflexion.
En effet, des sous-thèmes alimenteront le parcours : Étonnants voyageurs, Objets rêveurs, Ici c’est ailleurs et donneront au visiteur l’impression de changer plusieurs fois de direction et donc d’être en totale adéquation avec la thématique de l’Autre et l’Ailleurs.
Afin de renforcer la dimension ludique de cette exposition, nous avons de nouveau demandé à la responsable de la ludothèque du Centre de l’Enfance Robert Honde de participer au projet en réalisant des jeux susceptibles d’approfondir notre rapport aux oeuvres.
Avec cette exposition, nous souhaitons donner l’opportunité aux élèves du département et des alentours de s’approprier un temps donné des oeuvres aux messagehttp://www.artcotedazur.fr/e... forts, drôles et émouvants et leur permettre ainsi de développer leur intelligence sensible et leur esprit critique – en somme de contribuer à leur formation citoyenne - par un travail d’analyse, de réflexion et de création réalisé en aval dans leur établissement scolaire.
Nous espérons aussi aiguiser la curiosité des habitants de la région, souvent éloignés de la création contemporaine, et montrer aux visiteurs à quel point notre département peut initier des projets féconds grâce à la mise en réseau de diverses structures et collectivités oeuvrant pour l’intérêt général.
L’exposition
1ère salle : Etonnants voyageurs
Ici, là-bas, sur terre, sur mer, dans l’espace ou dans sa tête, le voyage ne prend fin qu’à partir du moment où l’imagination s’arrête.
Vers quels horizons nos regards vont-ils s’évader ?
L’horizon, ligne imaginaire inventée à la Renaissance, présente ou absente des oeuvres présentées, désigne notre place dans l’espace. Il devient la promesse d’un inaccessible ailleurs.
Tour à tour, les artistes mettent en scène notre quotidien et bousculent notre manière de percevoir le monde, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, brouillent les pistes avec humour en déhiérarchisant l’information et en jouant avec les échelles de grandeur, véhiculent un message de portée écologique, symboliste et humaniste, partent d’un calembour pour créer une situation cocasse, établissent des liens morphologiques entre une région géographique et le portrait d’une personne, pointent du doigt une réalité sociologique.
Ils nous contraignent à des déplacements à la fois physiques et imaginaires, interpellent notre regard et notre esprit critique, jouent avec nos repères, séduisent nos sens par l’utilisation de matériaux et procédés plastiques très divers (recours à la série, au détournement, au rapport texte / image, au décalage sémantique, etc.)
Chaque oeuvre nous questionne sur notre rapport au temps, à l’espace, à notre environnement mais aussi sur notre capacité à injecter du rêve dans notre quotidien pour pouvoir s’en évader.
Renouvelons ainsi le souhait exprimé par Baudelaire dans son poème, hommage à Maxime du Camp :
« Etonnants Voyageurs
Faites, pour égayer l’ennui de nos prisons,
Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
Vos souvenirs avec leurs cadres d’horizons.
Dites, qu’avez-vous vu ? »
Mais si le voyage évoque le lointain celui-ci ne nous ramène-t-il pas finalement toujours à nous-mêmes ? Qui suis-je ? Où vais-je ?"
2ème salle : Objets rêveurs
Objets futiles qui se parent de leur plus jolie poésie (et de beaucoup d’humour) pour nous faire rêver…
Même si les oeuvres exposées dans cette salle nous invitent à franchir les frontières du réel pour accéder à un monde imaginaire, farfelu et onirique, elles ont une indéniable présence physique. C’est un feu d’artifice de formes, de volumes, de matières et de couleurs que nous proposent ici les artistes bousculant au passage les codes de la représentation.
Constituées d’objets de récupération issus de notre quotidien, leur apparente trivialité contraste fortement avec le sujet représenté, souvent propice à la rêverie. Le spectateur doit ici s’affranchir de la réalité immédiate, dépasser le simple constat pour prendre conscience de leur charge poétique.
Ainsi, chez Arman Avril, l’accumulation de signes et d’éléments divers nous oblige à voir autre chose que des bouts de bois ou plastiques et ainsi, à imaginer une destination de rêve (la mer à Cassis).
Henry Lewis, lui, a matérialisé la lune avec du papier aluminium, ramenant ainsi la dimension merveilleuse de l’astre à quelque chose de banal, voire d’insignifiant.
L’installation de Gérard Fabre crée, quant à elle, un décalage entre l’image qu’évoque le nuage (aérien, léger, divin, onirique) et la représentation qu’il en fait : massive, grotesque, d’autant plus incongrue qu’il a choisi de le poser sur un tabouret, objet bêtement fonctionnel.
Enfin, Pascale Mijares nous propose une oeuvre hybride pleine d’humour : elle met en scène une caisse de transport (semblable à celle dont on se sert pour transporter les oeuvres d’art) érigée sur des pattes de cerf naturalisées et posée sur un socle. Contrairement à ce que pourrait penser le spectateur, piqué de curiosité, c’est la caisse elle-même qui fait office d’oeuvre puisqu’elle est présentée comme un objet muséal. Quelles pattes-à-caisse !
Dans les quatre oeuvres s’opère une démythification d’éléments qui ont toujours fait
fantasmer l’homme : la mer, endroit rêvé pour les touristes, du nuage qui évoque habituellement le céleste, le divin, de la lune qui représente le rêve et la conquête de l’espace, de l’oeuvre d’art rassurante, objet de vanité, qui est en train de « se faire la malle ».
Embarquement immédiat pour le pays des rêves étranges !
3ème salle : Ici, c’est ailleurs
Comment aller ailleurs en restant ici ?
Les espaces qui sont mis en scène entretiennent tous un lien avec notre environnement urbain.
Par le biais de procédés esthétiques divers (recours à la mise en abyme, à l’impression de travelling, au détournement, à la mise en scène), de techniques différentes (assemblage d’éléments hétéroclites, montage photo / vidéo, plans d’architectes, maquettes en carton…) et sur des modes variés (humour, réflexion, mélancolie, poésie) ils nous amènent vers un ailleurs où tout semble proche de nous et où pourtant tout est si différent…
Ils nous invitent ainsi à explorer des territoires de rêves, d’angoisses et de fictions, repoussant toujours plus loin les limites géographiques et mentales dans lesquelles nous nous enfermons.
Nous reconsidérons notre place dans le monde (regard sur le paysage, sur nos quartiers, nos trottoirs et nos toits). Ici, les routes droites ou buissonnières ne mènent à aucun endroit déterminé mais cependant tellement loin dans nos habitudes codifiées. Nos droits de citoyens, justice, logement, intimité sont remis en question. Les objets perdent de leur fonctionnalité ou sont personnifiés, travestis et perturbent notre perception du quotidien.
L’ailleurs est une géographie imaginaire propre à l’espace intérieur de chacun. Celui des artistes réveille nos questionnements sur le fonctionnement de nos sociétés contemporaines.
Nous devenons ici, les armateurs d’un ailleurs.