La visite de ces expositions prend plusieurs jours. De plus, chaque année, d’anciens palais fermés ouvrent exceptionnellement pour nous présenter des expositions. Au plaisir de contempler des œuvres d’art très diverses s’ajoute le bonheur de visiter de nouveaux lieux et de parcourir cette ville qui fait rêver.
Aux Giardini, chaque pays présente un artiste choisi pour son travail remarquable ou, quelquefois, plusieurs artistes qui ont travaillé ensemble à un même thème.
Cette année la Biennale porte le titre très politique de « Ovunque Stranieri », Étrangers Partout, et chaque pavillon porte l’histoire douloureuse des migrants et des colonies, qui leur art, expriment ce qu’ont vécu les pays colonisés.
Leurs traditions et leur culture ont été dévalorisées, ils ont été escalavagisés et victimes de racisme. Il était temps en début de vingt et unième siècle que les pays envahisseurs reconnaissent leurs erreurs et leur inhumanité profonde.
Ainsi, plusieurs pays revalorisent les cultures dont ils n’avaient pas voulu voir les richesses, d’autres les intègrent comme une partie essentielle de leur développement.
- Vue du pavillon des Pays-Bas ©AA
Les Pays-Bas, par exemple, exposent des sculptures réalisées par le collectif communautaire des travailleurs congolais des plantations, la vente de leurs œuvres leur permettant de se réapproprier leurs terres et leur culture. Une exposition dé-coloniale.
Le pavillon espagnol, par son artiste Sandra Gamarra, interroge les récits coloniaux à travers des peintures et gravures du XVIIIe siècle représentant les territoires de l’Empire colonial espagnol qui a été un des plus grands de l’Histoire.
La Grande-Bretagne présente des œuvres de John Akomfrah qui propose un parcours avec des vidéos qui font le lien entre la migration difficile de la diaspora africaine et l’environnement.
Le Lion d’Or 2024 a été attribué au pavillon australien dans lequel l’artiste Archie Moore a tracé sur les murs un arbre généalogique d’après 65 000 ans d’histoire aborigène. Au centre, une immense table couverte d’archives recensant les disparus.
Le pavillon polonais a été prêté à l’Ukraine où des vidéos montrent des réfugiés qui racontent leur vécu avec en arrière plan, le bruit des armes à feu et de l’artillerie lourde russe.
D’autres pavillons sont moins chargés, comme celui des États-Unis dans lequel l’artiste Cherokee Jeffrey Gibson, a choisi de lutter contre la “chromophobie” contemporaine en peignant en rouge la façade du bâtiment et en présentant des peintures abstraites issues de fresques indiennes. Le tout est réjouissant et hyper coloré. Les peintures sont accompagnées de maximes ou de slogans faits de caractères alphabétiques en couleurs à la limite du lisible. Sont présentées également des sculptures de corps humains eux aussi éclatant de couleurs.
À l’inverse, le pavillon allemand présente une exposition post apocalyptique. On entre dans une maison abandonnée (comme après la bombe), envahie par une poussière grise où on sent l’absence définitive d’être humains disparus on ne sait où.
- Une vue du Pavillon de la France ©AA
La France présente une installation de Julien Creuzet, artiste parisien d’origine martiniquaise, comprenant des sculptures en céramique et en corde, faisant penser à des toiles d’araignées faites de lianes colorées au milieu desquelles on circule.
Le Japon présente l’installation étonnante de l’artiste Yuko Mohri faite de tubes de plastique, de seaux, d’arrosoirs, de matériel de cuisine servant à faire circuler de l’eau dans une boucle très hétéroclite. Sur de petites tables sont posés des fruits et légumes en décomposition dont l’artiste récupère l’activité électrique de fruits grâce à des électrodes qui alimentent des ampoules qui s’éclairent plus ou moins par moments. C’est assez bluffant de constater que l’électricité peut naître si facilement.
- Au pavillon du Japon l’on découvre que l’électricité peut naître facilement ! ©AA
Bien sûr, beaucoup d’autres œuvres à découvrir au fil de la promenade qui finit sur l’immense bâtiment italien où des centaines d’œuvres de toutes disciplines et de tous styles du naïf au post conceptuel, puis à la petite île qui comprend un très grand pavillon vénitien et quelques autres dont celui toujours très intéressant de l’Egypte où est projeté en grand le film opéra de l’artiste Wael Shawky relatant un épisode historique autour de la révolution nationaliste Urabi écrasée par les britanniques en 1882.
À l’Arsenale, dans l’immense et superbe corderie, toujours choisies par Adriano Pedrosale, le curateur de la Biennale, de très nombreuses œuvres disposées dans de grands espaces permettent d’avoir un regard sur la création contemporaine.
Pour sa première prestation à la Biennale, le Maroc a été très remarqué grâce à son artiste Bouchra Khalili qui a présenté une installation de huit grandes vidéos où elle interviewe des migrants sur leurs parcours chaotique pour rejoindre l’Europe. On ne voit que leur main qui trace sur une carte les trajets qu’ils ont accompli et on entend leurs voix raconter leurs galères pour trouver de quoi vivre, souvent du travail sous payé, pour avoir suffisamment d’argent pour aller toujours un peu plus loin. Le tracé de leurs pérégrinations a été redéssiné par l’artiste sur un fond bleu comme les mers qu’ils ont dû traverser. C’est émouvant et passionnant.
Le pavillon chilien présente une « Mamita montaña » (Montagne mère) faite de minuscules sculptures, à tête de mort ou chevelure de rose
L’Arabie Saoudite a choisi les artistes Jessica Cerasi et Maya El Khalil qui ont organisé trois ateliers préparatoires où plus de mille femmes ont participé à la réalisation d’une « forêt » de grands arbres découpés en tranches sur lesquelles des inscriptions et des dessins.
Une installation grandiose.
La Biennale de Venise est à découvrir jusqu’au 24/11/2024
- La biennale de venise nous invite encore une fois à un fabuleux tour du monde de la création contemporiane ©AA