« Ce livre a l’ambition de donner les clés de compréhension théorique avec les clés d’un vocabulaire précis » déclare Jean-Claude Roy. Il leur a fallu deux ans pour concevoir un ouvrage qui s’ouvre sur un complexe système de pierre.
On se baladera donc l’ouvrage à la main dans le quartier de la Buffa et celui des Musiciens, en suivant le plan que les auteurs n’ont pas oublié d’insérer. De nombreux immeubles sont numérotés, répertoriés en fonction de leur intérêt architectural, décrits avec une précision pointilleuse, un vocabulaire savant, chaque paragraphe chaque commentaire s’appuie sur une iconographie de 400 photos, un dessin de façade et ses légendes.
Davantage qu’un guide ce livre est un outil didactique.
Nice est la première ville s’étant développée suivant un plan d’urbanisme, son aspect actuel, son plan quadrillé au cordeau est le résultat d’une volonté politique. Sa beauté devait répondre au fantasmes des touristes du monde entier.
Les façades d’immeubles servaient à mettre en évidence l’importance des gens qui vivaient à l’intérieur, et les balcons à se montrer, mais par la suite l’importation des bow-windows d’Angleterre avait pour but de faire entrer la lumière et de servir au bien être des habitants.
Le choix des bow-windows s’explique par le fait qu’ils sont présents en quantité invraisemblable en ville, c’est la raison pour laquelle ils servent de fil conducteur à cette visite pas comme les autres.
Les choix architecturaux opérés à la fin du XIXe et au début du XXe siècle reposent sur le fait que les commanditaires ne voulaient surtout pas décevoir les désirs de leurs futurs clients. Les architectes, qui baptisent leurs immeubles du nom de Palais, se sont livrés sans beaucoup de retenue aux délicieux fantasmes de ce qu’ils pensaient que devait représenter l’exotisme de la Côte d’Azur aux yeux du client, tout en respectant la mode du moment, sans trop innover. Par exemple il n’y pas eu de flambée de l’Art Nouveau à Nice.
L’homogénéité de l’architecture de ces deux quartiers, relève plutôt d’une homogénéité exubérante qui repose selon nous, sur la recherche d’une sorte d’originalité à tout prix, de style « n’importe quoi » pour les rabat-joies, mais parfaitement savoureuse dans son genre.
Car c’est « la richesse bizarre », pour reprendre une expression du président De Brosse*, qui l’emporte souvent, et variées sont les astuces des architectes pour tenter de dégager une impression de symétrie, d’élégance, et de légèreté à ce qui est bien souvent alourdi par l’accumulation d’étonnants ornements, provenant de multiples sources d’inspiration.
Les auteurs de ce livre nomment avec une bienveillance qualifiée par certains d’excessive « ce style romantique basé sur l’émotion » du terme ennobli par la majuscule d’Éclectique, et son exploration peut donner lieu à d’infinies sources d’amusement.
Voilà pourquoi nous pouvons nous permettre de conseiller le curieux de parcourir les rues de Nice avec ce livre, sans bien sûr, qu’il se départisse de son esprit critique.
Annick Chevalier
* Président De Brosses
Lettre d’Iralie
Séjour à Rome page 121
Les Introuvables-Editions D’Aujourd’hui