Un jour un grand marchand parisien d’art premier fait découvrir à Armand Avril une marionnette Bozo du Mali. C’est une révélation, un véritable coup de foudre.
La statuaire primitive est pour Armand Avril à la base de l’art moderne, sa référence est l’une des genèses de la peinture et de la sculpture occidentale du XXe siècle et il n’a eu de cesse, sa vie durant, de posséder, pour les côtoyer quotidiennement, les pièces qu’il pouvait acquérir et avoir sur elles un simple regard d’artiste, sans se soucier de leurs histoires.
Aujourd’hui le Centre d’Art la Falaise dévoile et présente la fabuleuse collection que l’artiste a cumulé au fil des années en dialogue avec ses œuvres.
Armand AVRIL
A Cotignac, le village du haut-Var où il vit et travaille depuis 1962, il est une « figure » dont le verbe sonore emplit la promenade du cours et la place de la Mairie. Qui ne connaît pas cet artiste solitaire au tempérament de feu qui habite la falaise, sa terre troglodyte, dans un abri intégralement consacré à la création ?
Un repère indescriptible, où ferrailles, bois, tissus, bouteilles, plastiques, tuiles, carreaux, pinces à linge, bouchons, s’amoncellent.
Ce capharnau ?m est un Avril vivant, qui devine, dans cette anarchique disposition, une agglomération réfléchie et ordonnancée. Toutes espèces de récupération et de matériaux s’affrontent, se disputent un espace stratégique qui captera l’oeil de l’artiste, convaincra sa main de se saisir d’elles pour leurs donner vie dans ses montages. Il les plie à son imaginaire, les inscrit dans le champ de l’art.
Aujourd’hui, « dans 7 ans j’ai 100 ans », ce charpentier ne cesse de créer, d’interroger le monde, de construire des inventions ludiques et joyeuses qui créent du rêve. Armand Avril, le primitif, est un sorcier-forgeron à la plus large culture, qu‘aucune école n’a retenu mais qui a puisé chez les plus grands. Dans le sillage d’une connaissance et d’une culture torrentielles, il s’est imbibé des courants majeurs, de l’impressionnisme au cubisme, du fauvisme à l’expressionnisme.
Sa création doit sa singularité exceptionnelle à la formidable capacité du peintre à pétrir, malaxer, modeler, puis digérer sans aucun interdit ce gisement de savoirs et d’influences, pour restituer une oeuvre totalement et uniquement Avril.
Armand Avril, 93 ans, est nourri de liberté. Incorruptible, il se contorsionne, échappe au contrôle, laboure, sillonne, s’enfuit. Avril est un cinglé qui ne cesse jamais de regarder et dont la générosité créatrice est si abondante qu’elle est parfois exagérée. Son oeuvre, inscrite dans l’art du XX e siècle dans son rapport à l’objet qui devient un nouveau support de création, oscille entre un art évoquant « l’art singulier » et l’art populaire, dit « pauvre ». Voisin des univers de Louis Pons ou Gaston Chaissac, l’art d’Avril, apparemment hétéroclite et irrationnel est défendu depuis 50 ans par les collectionneurs avertis et par son ami Paul Gauzit à la galerie Le Lutrin à Lyon ; il est aujourd’hui acheté par les musées. Cet assembleur peut aller au bout du monde chercher ses totems ou simples images pour nourrir ses rêves et en faire des fresques, tableaux, bas-reliefs, reliquaires et inventaires.