Lors de ses promenades dans l’arrière- pays et sur le littoral niçois, l’artiste exerce un regard acéré sur les paysages, les végétaux, les minéraux. Il se nourrit des formes de la nature mais, de retour à l’atelier, il s’en abstrait, il les transfigure. Il bâtit un vocabulaire personnel avec lequel il recompose un monde, graphique, qui nous fait partager ses émerveillements. Peintre et dessinateur infatigable, il est ainsi l’auteur d’un œuvre foisonnant qui se décline en séries délicates ou fulgurantes, diaprées ou minimales, qui se ramifient en variations infinies.
Saisi par l’atmosphère du Château, guidé par des vibrations résonnant avec son travail, Armand Scholtès présente un florilège de ses œuvres sur papier. On y discerne les possibilités infinies d’un artiste aussi habile à produire des dessins minimalistes où tout est dit en quelques traits, que des gouaches dont les couleurs pures se déploient avec la plus grande liberté. Cette exposition nous dévoile aussi les ressources insoupçonnées du papier dont Scholtès décline les textures, les nuances, les formats les plus variés. Loin d’être un matériau banal, les papiers font partie intégrante des œuvres et, dans leur diversité, ils scandent un parcours à la rencontre d’un artiste sensible et généreux.
La couleur nage dans la forme. Le bleu vole dans le vert. Je ne connais pas de couleur qui n’aime pas Armand Scholtès. Pas de forme non plus. Toutes s’invitent, en ses yeux d’abord, ses mains ensuite, et c’est alors qu’il nous les restitue.
Pourquoi ces assemblages de formes et de couleurs nous touchent-ils ? Quelle est l’origine, et le sens, de l’émoi ainsi provoqué ? À chaque pas un nouveau sursaut, un contraste inédit, une complexion inouïe, un apparaître invu. Plein cadre, par-dessus leurs cadres, formes et couleurs, dressées sur la pointe des pieds, nous regardent, nous fascinent, nous façonnent. À votre prochain passage, faussement flâneur, un certain bleu vous adoptera, un orange en feu vous embrasera. Tout ce que nous croyons voir, tout ce que nous stabilisons par l’acte de vue, n’est qu’illusion. Armand Scholtès nous montre (doucement, Ô doucement), comme sans y toucher, que tout flue dans un devenir perpétuel, qu’il n’y a de répétition que fourmillant de différences qui font de chaque état saisi en un regard, un état nouveau et irréductible au précédent ou au suivant. Armand Scholtès est le fils préféré d’Héraclite, son œuvre nous montre et nous dit que l’Être est devenir, qu’il n’y a répétition que de la différence.
Charlie Galibert, extrait du texte « Le poème du monde », publié dans le catalogue de l’exposition.