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Fin de cet événement Juin 2017 - Date du 4 mars 2017 au 4 juin 2017

Anne Pesce : La vitesse de la lumière est de 300 000 km/s

Du 4 mars au 4 juin 2017, la Ville de Nice invite l’artiste Anne Pesce à présenter son exposition « La vitesse de la lumière est de 300 000 km/s » à la Galerie de la Marine, où se déploieront ses carnets de dessins. Le vernissage de l’exposition aura lieu vendredi 3 mars à 19 heures.

Anne Pesce est peintre. Depuis 25 ans, elle voyage à travers les Terres Australes, l’océan Antarctique, l’Islande, Oslo, Helsinki, Tokyo, New-York… Elle parcourt des kilomètres, à pied, à vélo, en bateau, en avion… à la recherche de formes et de vues qu’elle rapporte à l’atelier. Cette expérience des paysages, naturels ou urbains, est retranscrite dans ses tableaux.

Anne Pesce, AGENDA 2016, 366 jours, techniques mixtes, 14X9X12 cm

Pour son exposition personnelle à la Galerie de la Marine, l’artiste a choisi de montrer pour la première fois, non pas ses grands formats abstraits, mais ses carnets de dessins, commencés en 1993. Il s’agit d’un ensemble de 23 documents composés de masses colorées. Une vidéo-agenda restituant une année de dessins quotidiens, une intervention à la peinture à même le sol de la galerie et trois dessins à la mine de plomb de chevaux, en pied, taille réelle sur toiles libres, viendront compléter cet ensemble.

Quand Anne Pesce peint, dessine, filme, regarde, elle se met à penser que les mouvements de son corps informent l’espace, lui donnent une dimension, une amplitude à l’échelle de l’énergie du déplacement. Selon Einstein, il existe une relation inséparable entre le temps et la vitesse du signal. Ainsi, l’artiste proportionne des surfaces aux durées nécessaires pour les parcourir. Scrupuleusement, elle étire et étale dans des dessins, des amplitudes calculées à l’échelle de chaque trajectoire spatio-temporelle.

Faire l’expérience spatiale des heures, des minutes et des secondes sera donc le thème de son exposition. L’espace de la Galerie de la Marine verra se déployer des carnets, des dessins et s’ouvrir les 366 pages de l’agenda 2016. Le visiteur ira des uns aux autres, se faisant l’initiateur de son propre itinéraire. Il se verra, déformant le territoire commun à tous, pour le mettre à la mesure de sa marche. « C’est l’expérience d’une intime temporalité que j’aimerais faire vivre à chacun universellement assuré que la vitesse de la lumière est de 300 000 km/s ».

Anne Pesce enseigne à l’Ecole Municipale d’Arts Plastiques de Nice. Elle est née en 1963 à Pantin. Elle vit et travaille à Vence et est représentée par la galerie Catherine Issert.

Propos de l’exposition

Tous les matins depuis dix ans, Anne Pesce se lève à l’aube et fait le même parcours à vélo, pendant près de trois heures, décrivant une boucle de 40 km qui part de Vence où elle réside, et qui, après un crochet par Saint-Jeannet, l’emmène sur la route du col de Vence, culminant à 963 mètres au-dessus du niveau de la mer, pour enfin revenir à son point de départ. Au fil de cette course très physique, où elle s’impose un dénivelé de plus de 680 mètres, elle assiste invariablement au lever du soleil et, de retour à son atelier, elle consigne ses impressions encore fraîches sous la forme de gestes abstraits dans divers carnets.

En 2016, elle s’est imposée une contrainte plastique : restituer son ressenti du paysage dans un agenda Moleskine au rythme d’une page pour chaque jour de l’année.

Le plaisir de la glisse sur la route, indissociable de la pénétration de son corps dans le paysage, tout ceci peut déjà être comptabilisé comme relevant des premières heures d’atelier. Cette mise en condition génère un travail plastique qui tente de condenser les multiples perceptions enregistrées, notamment le défilement du paysage – relativement lent lorsque l’artiste grimpe la côte qui l’amène au col, excessivement rapide lorsqu’elle dévale la pente à son retour –, à travers les gestes les plus divers et une gamme très étendue de techniques telles que le graphite, le crayon de couleur, le pastel, la gouache, le feutre, le stylo bille, le ruban adhésif et même le spirographe qui vient simuler le mouvement circulaire de la roue de bicyclette…

Comme souvent dans les carnets de croquis des artistes, Anne Pesce atteint une grande liberté de formes et de couleurs en s’autorisant strictement toutes les expérimentations plastiques possibles sous la forme de petits échantillons qui possèdent l’inventivité des premiers jets et la modestie de l’esquisse. Ici l’immédiateté d’un geste, chaque jour réinventé, traduit la rapidité de la pensée, la main se devant de trouver la forme adéquate pour incarner le souvenir de ces traversées spatio-temporelles toujours identiques mais vécues comme autant de moments uniques.

Anne Pesce, Les carnets 2010 – 2016, techniques mixtes

L’agenda 2016, avec ses lignes peintes ou tracées, ses collages de bandes adhésives colorées, ses taches, ses bavures, ses esquisses, ses perforations, ses déchirures, ses pliages, est un étrange objet hypertrophié au point qu’on a le plus grand mal à le refermer. Pareil à un vieux manuscrit gonflé par l’humidité, il se présente comme un nuancier qui contiendrait une infinité de possibles de la peinture. Qu’on le pose à plat ou qu’on le prenne dans la main, il tend aussitôt à s’ouvrir en éventail à la manière d’un plumage de paon pour révéler toute la beauté dont il est porteur. Un objet impatient d’être feuilleté et dont les dessins s’échappent déjà sous la forme d’une vidéo destinée à être projetée dans l’espace d’exposition. […]

Ici, rituel de vie et rituel de travail se confondent dans une dimension obsessionnelle, parfaitement assumée, qui n’est pas étrangère aux protocoles systématiques mis en place par certains artistes historiques dans le courant des années 1960, telle Agnès Martin qui, sous l’influence du taoïsme, devait réduire la peinture à une esquisse de grille minimale nimbée de couleurs tendres dans le but d’atteindre un état méditatif proche de celui que procure l’immersion dans le paysage.
D’une manière analogue, Anne Pesce crée les conditions d’une expérience de vie qui relève autant de l’ascèse que de l’élévation et dont le caractère à la fois répétitif et contemplatif lui permet de toucher l’essence même de la peinture, à ceci près que son univers plastique est exempt de toute sècheresse conceptuelle et tend, au contraire, à réinjecter quelque chose de l’ordre de la somptuosité du pictural via l’omniprésence de couleurs et de textures incroyablement plus belles et riches les unes que les autres.

Dans ses dessins et sa peinture, le rouge devient rose, le jaune se mue en or, le bleu prend des accents d’azur. Ainsi comme nombre de peintres abstraits, Anne Pesce trouve ses motifs dans le paysage dont elle retranscrit les sensations colorées de mémoire et, donc de façon subjective et lacunaire, sous la forme de notations et de gestes qui trouvent, en grande partie, leurs sources dans l’histoire de la peinture américaine à l’exception de quelques éléments figuratifs sporadiques qui peuvent aller jusqu’au pop. Mais contrairement aux pionniers de l’École de New York, elle ne confine son travail dans aucun processus formel prédéfini, préférant laisser une ouverture absolue à tout un répertoire de techniques qu’elle bricole avec bonheur au fil de ces précieux carnets et agendas qui accompagnent et engendrent des œuvres de plus grand format sur toile. […]

Mais le dessin peut également quitter les carnets et se développer dans l’espace d’exposition, c’est en tout cas le projet d’Anne Pesce pour la nef de la Galerie de la Marine où elle se propose de coller au sol deux rubans de masquage et d’intervenir dans l’interstice pour y déposer une longue ligne qui viendra évoquer les morceaux de goudron rapiécés qui défilent sous le guidon de son vélo. Quant aux rubans une fois la trace effectuée, ils retourneront probablement dans un carnet suivant la logique de déplacement propre à sa démarche. Mais n’appelle-t-on pas le ruban adhésif du scotch de peintre ?

Catherine Macchi
Professeure en Histoire de l’Art moderne et contemporain à l’Ecole Municipale d’Arts Plastiques de Nice

Photo de Une : (détail) Anne Pesce, photo © Favret-Manez

Artiste(s)

Anne PESCE

Née en 1963 à Pantin, diplômée de l’Ecole Supérieure d’Arts de Paris-Cergy, Anne Pesce vit et travaille à Vence. Elle est représentée par la Galerie Catherine Issert, à Saint-Paul-de-Vence. Elle est enseignante à l’EMAP de Nice. Expositions personnelles récentes 2016 Sunrise Sunset (…)

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