Après avoir fureté quelques semaines dans l’atelier sans rien faire de particulier si ce n’est de se rapprocher de la matière, de sentir son odeur, ses textures, sa malléabilité, le plaisir ancestral qu’elle procure aux mains, il va s’en emparer progressivement.
Une terre chamottée africaine l’attire, sombre, grasse, épaisse. Il commence par la réduire en poudre, à l’humidifier et à l’étaler sur des surfaces translucides à l’image d’un travail qu’il poursuit depuis de nombreuses années avec le blanc d’Espagne, une craie blanche et calcaire (CaCO3) au grain particulièrement fin qu’il gratte à l’aide de divers outils ou d’éponges pour révéler des formes, des gestuelles, des reliefs géologiques ou marins.
On retrouve dans la terre humidifiée, grattée et séchée les mêmes grands mouvements de vagues, de falaises ou de plages, mais dans des couleurs fauves, plus sombres, ajoutant à l’étrangeté de ses "paysages" retro-éclairés.
Passée cette première série qui le renoue à son travail antérieur, Andreatta peut enfin œuvrer sur de nouvelles formes, rechercher des traitements originaux de cette matière terre qui, depuis l’aube de l’humanité, a été la plus proche, la plus utile, la plus travaillée par l’être humain.
Son "atelier", une table à étagères recouverte de réalisations, est particulièrement intéressant. Il est la concrétisation du travail en cours.
On y voit divers objets : des plats, des boules, des livres compactés en terre avec pour titre un tampon du nom de l’auteur, des formes oblongues ressemblant à des grenades offensives incrustées de grains de maïs, une série de petits bonhommes en terre presque tous identiques, nés d’une forme en fer par laquelle un boudin de terre a été compressé, puis tranché.
Le soir du vernissage, une "nature morte" composée de bouteilles et de verres, de deux citrons et d’un plat de poisson, est installée dans un aquarium.
Plongés dans l’eau, les objets en terre crue vont se fragmenter puis se diluer colonnes de bulles perlées avant de retomber en poudre sur le fond de l’aquarium. À la fin de la performance, qui a duré quelques heures, un paysage lunaire, désolé, remplace la "nature morte", bien morte.
Un geste simple, celui de constituer de grosses boules posées l’une sur l’autre gardant les empreintes des mains et des doigts, renvoie au geste originel du "travailleur de la terre".
Jouant avec les dilutions, les évaporations (le mouillé et le sec), Andreatta montre une grande originalité dans son approche et sa maîtrise des matières les plus simples, les plus évidentes comme l’eau, la terre, le sable.
Son œuvre déjà polymorphe et complexe ne cesse de s’enrichir de ses nouvelles pratiques.