Il est des émotions amoureuses qui nous broient
Elles forment un agrégat d’élancements sourds, pénétrant la chair de l’âme dans un cri étrangement silencieux. Brutal, ce joug vorace a presque la pudeur d’être un désespoir qui refuse son ascendance.
Envisagez un décor chimérique, une scène de théâtre mental où se joue un drame admirable. Quittée avant même que son amant n’en fasse acte, une femme consent à son intuition en chorégraphiant son ultime baiser d’adieu. Elle sort ses plus belles ombres : profondes et soyeuses. Et devant lui, elle déploie tous les reflets de sa déchirante mélancolie. Comme un ballet découpé scène après scène, cette « amourgraphie » déclame son propre renoncement, avant qu’il n’y cède lui-même. Son oraison est soutenue par la dégradation névrosée des lieux où elle se donne en spectacle. Fracture des matières, écroulement des décors, souffrance des sols et de l’air, plaies et lacérations des éléments qui meublent ces lieux : autant de détails qui illustrent à la perfection le pourrissement intérieur d’un esprit qui clame sa souffrance…
Ainsi, dans ce que l’on pourrait prendre pour une mise en scène plaisante, parée d’un déshabillement composé, il y a toute autre matière. Syllabes, mots et verbes se font regards, postures, gestes, dévoilant une violence émotionnelle qui se retient de justesse…
Moko Mad’moiselle
Moko Mad’moiselle- a.k.a Stéphanie Chotia - a commencé par la musique : prix de harpe dans les classes azuréennes de Marie-Pierre Daboval et d’Elizabeth Fontan-Binoche. Elle accompagnera cette dernière en concerts, dans un quatuor de harpistes. Fin des années 90, l’altération, puis l’aggravation brutale de sa santé visuelle l’éloigneront petit à petit de la pratique de son instrument. Elle renoue avec l’art il y a quelques années, se tournant vers la photographie et l’écriture, en suivant un parcours d’autodidacte. La photographie est le médium qui lui permet d’illustrer avec douceur et distance les émotions parfois fortes qui la submergent. Elle révèle une vision alternative de ce qui est, emprunte d’onirisme et de fragilité, prolongement du dialogue entre son œil et son âme. Chaque photographie dépeint alors une illusion réelle. Sensible à une nature minimaliste et colorée dans une série macrophotographique sur l’eau, sous le charme noir des espaces où le temps est suspendu, par une succession de photos d’architectures intérieures oubliées ; c’est en tant qu’autoportraitiste qu’elle se révèle à elle-même. Au travers d’auto-représentations dramatico-oniriques, ses aspirations d’auteure et de photographe se joignent dans un travail d’introspection à fleur de peau.
Dans ses œuvres actuelles, l’idée maîtresse est In Situ, car tout se fait ou presque dans un élan technique et émotionnel de l’instant ; sorte d’alignement d’étoiles provoquant l’existence de la photo. Profondément myope, retirer sa correction visuelle le temps des prises de vue crée une sensation de mou dans sa perception de l’espace, qui se réduit alors à l’étude de son autre photographique. Exposée par les Villes de Menton et de Nice ainsi qu’au sein de différents ateliers d’artistes, elle se présente régulièrement dans divers festivals de photographie.
« J’imagine la scénographie. J’incarne le personnage. Je photographie.
Je n’aime rien d’autre tant que faire seule et devenir un élément de mes propres compositions. Il est d’ailleurs rare que je me laisse tirer le portrait…
Des lieux abandonnés se substituent, dans ma pratique photographique, à l’atelier d’artiste. J’en découvre les ambiances sur l’instant et j’y deviens à la fois créatrice et matière de mes œuvres. Dès lors, je ne suis plus moi-même mais un alter ego dont je peux tout exiger, jusqu’à obtenir l’image désirée… » dit-elle Moko Mad’moiselle