À commencer par la Malpaso Dance Company
Le public a été subjugué par un spectacle de chorégraphies des justement célèbres Mats Ek, Ohad Naharin et Osnel Delgado.
Venue de Cuba, la troupe de danseurs et danseuses est prête à toutes les performances scéniques, avec de multiples subtilités de gestes désinvoltes quoiqu’esthétiquement parfaits. Ils ne cessent de surprendre tout en séduisant.
Les spectateurs ont tout particulièrement apprécié « Woman with water » un duo chorégraphié par Mats Ek : une danseuse vêtue d’une robe d’un rouge flamboyant devant une table verte sur laquelle un danseur vient poser un verre d’eau : tout se joue – et se danse – devant ce verre d’eau qui devient un véritable enjeu. Et c’est magique !
Avant, sur une subtile mais énergique musique d’Arvo Pärt, la troupe a présenté une dynamique danse de gestes bondissants du chorégraphe Ohad Naharin, « Tabula rasa » qui prouvait l’incroyable énergie des interprètes et le magnifique niveau technique de ces danseurs cubains. Energie et technique qu’on retrouve dans « A dancing island », chorégraphié par Osnel Delgado et interprété par les douze danseurs de la Compagnie qui depuis son origine est toujours dirigée par ses trois fondateurs : Osnel Delgado, directeur artistique, Fernando Saez, directeur exécutif et la danseuse Daileidys Carrazana.
La Göteborgs Operans Danskompani
Suédoise, la Göteborgs Operans Danskompani est la compagnie du moment dans toute la Scandinavie, tandis que sa réputation internationale ne cesse de s’accroître. Il faut dire qu’elle propose une danse renversante (au propre et au figuré) : les danseurs évoluent sur un plateau incliné à 34° ce qui donne des sensations fortes, d’autant plus que les 17 interprètes sont sans cesse en mouvement avec des sauts exceptionnels et un contact physique intense, bien que tout soit impeccablement calé dans leur marche en zig zag, entre vitesse et humour ! La réunion de la musique, des pas de danse et de la scénographie, assure cependant la cohérence de la chorégraphie qui combine des élans contradictoires avec une grâce puissante qui ne craint pas l’expressivité !
Dans leurs volutes tourbillonnantes, il y a une folle énergie qui circule parmi les danseurs et leur endurante breakdance. Le public a été emballé, le prouvant à la fin par de longs applaudissements et des hourrahs tonitruants.
La merveille Preljocaj
Ayant perdu plusieurs proches, parents et amis, dans un laps de temps très court, le célèbre chorégraphe Angelin Preljocaj, a décidé de s’exprimer sur la mort et la perte sous forme d’un « requiem » habituellement réservé à la musique, et parfois travaillé en peinture et ou au théâtre.
Il a donc créé un spectacle de danse d’une grande merveille. Des tableaux et des mouvements trottent longuement dans nos têtes avec des images de toute beauté !
De la naissance jusqu’au royaume des morts, du berceau au cercueil, « Requiem(s) » offre une traversée de la vie où l’individuel et le collectif vont de pair. Que ce soit un couple de parents face à leur enfant qui se meurt, ou une guerre meurtrière, dont les vivants tentent de réanimer les blessés, et même les morts. Ou aussi un corps de danseur entrainé dans une bourrasque de neige, …
Sur une musique de morceaux variés de Bach à Ligeti, en passant par Mozart, Messiaen, et autres, dix-neuf formidables interprètes décrivent, dans leurs gestes, les sensations de la perte et du deuil, les différents états d’âme et les larmes. Un tourbillon où les danses s’affolent et se figent.
La solitude s’efface dans des duos superbes, très nombreux ou se dissout en groupes dans ce spectacle insolite et surprenant. Et, au final, c’est la rage de vivre qui prend le dessus.
Le chorégraphe aixois a signé un spectacle fort, une œuvre prégnante, en donnant une image très onirique. Ainsi les Parques sont des hommes avec, cependant, de longues chevelures blondes nouées par des catogans.
Les éclairages d’Eric Soyer sont parfaits mettant en valeur les membres des danseurs, surtout les bras pour les gestes si spécifiques dans les chorégraphies d’Angelin Preljocaj.
Il ne cesse de nous émerveiller de spectacle en spectacle !
« Journey to the West »
« Voyage vers l’Ouest », est un spectacle chorégraphique tout ce qu’il a de plus insolite, avec des codes spécifiques à la culture chinoise ! Tous formidables, les danseurs font surtout de magnifiques bonds et des roulés boulés incroyables !
Ce ballet est l’adaptation chorégraphique d’un monument de la littérature chinoise que, donc, chacun connaît en Chine. Pour nous, les occidentaux, c’est l’inconnu : un vieux roi refuse la Mort qui est son véritable ennemi ! Il croit en son immortalité et le raconte à une bande de singes qui s’agitent tant et plus avec force bonds !
Refusant de vieillir, il crée un certain chaos dans sa recherche d’immortalité, en voulant vaincre son destin et en cherchant un sens à sa vie qui est, c’est certain, toujours une quête.
Yabin Wang, la directrice artistique du Yabin Dance Company, est la principale interprète de cet étonnant ballet qui a fortement déconcerté le public de Cannes !
Les danseurs font preuve d’une verve et d’une chaleur étonnantes, avec une dynamique de jeu inédite, du moins pour nous occidentaux. En décor de fond, de fabuleuses images vidéo, signées Bosen Yan, ajoutent de la poésie au spectacle.
Dans une scène, chacun des danseurs parcourt la scène en tenant un miroir ovale, et cette multiplicité de miroirs permet des reflets du plus bel effet dans l’immense salle du Palais des Festivals de Cannes ! À la vue de leurs mouvements combattifs, l’ensemble, dans ce ballet effréné, c’est la mélancolie de la fin d’une ère où pourtant les corps continuent de se tenir debout et même de s’agiter frénétiquement !
C’est le Français, Laurent Petitgirard a spécialement créé la musique de ce ballet et les superbes éclairages sont à nouveau d’Eric Soyer qui a la responsabilité technique du spectacle.
Caroline Boudet-Lefort