Jean-Christophe Maillot a commencé à explorer le mythe de Faust en signant la mise en scène de l’opéra de Gounod à Wiesbaden, en Allemagne, en 2007.
Héros de multiples œuvres littéraires, musicales, cinématographiques et autres, le personnage de Faust est inéluctablement lié à son désir de conserver une jeunesse éternelle, quelles que soient les variantes des diverses adaptations plus ou moins proches de son modèle original, une légende allemande du XVIe siècle. En comparant les particularités de chaque version, Jean-Christophe Maillot a gardé l’essentiel, mais il a accordé une place primordiale au diable tentateur et il a ajouté le personnage de la Mort contre laquelle il est impossible de lutter. Son interprétation est donc plus dramatique que romantique, d’autant plus que le personnage de Marguerite, idéal féminin, est minimisé.
Pour ce ballet hypnotique, le chorégraphe a construit une fiction où les situations s’enchaînent en tableaux différenciés pour maintenir, malgré les innovations, la trame du célèbre mythe et pour suivre le fil de ce récit connu de tous.
Lucifer, l’ange de la Lumière déchu, demande à Méphistophélès d’éteindre l’étincelle divine contenue dans l’âme de Faust. Devant l’épidémie de peste déclenchée par Méphisto, le Dr Faust se sent impuissant et conclut un pacte avec le Diable, lui demandant d’échanger son âme contre la jeunesse et l’amour de Marguerite. Mais, le mot « amour » est dénigré par le Diable qui, avec une habilité « diabolique », ne cherche qu’à faire chuter les âmes.
Par leurs gestes, Faust et Marguerite hurlent leurs désirs insatisfaits et leur besoin d’amour. La souffrance de leurs sentiments est au bout de chacun de leurs mouvements dans une danse qui se fait sensuelle. Leur amour va leur donner la force de leur rédemption et sauvera leurs âmes.
Pour passer des mots à la danse, Jean-Christophe Maillot a choisi la partition de Franz Liszt – la « Faust Symphonie », interprétée par l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo sous la direction de Nicolas Brochot - à laquelle s’associe un univers sonore créé par Bertrand Maillot afin d’ajouter une atmosphère fantastique pour souligner le romantisme de Goethe. Malgré la trame narrative, c’est la musique qui tire les ficelles du drame en des liens invisibles tendus entre les principaux personnages : Faust, Marguerite, le Diable et la Mort. Des portraits animés qui s’observent, s’épient, s’évitent, se rencontrent.
Une danse magnifique montre « l’âme de Faust » errant, tandis que Marguerite est allongée sur un lit blanc en forme de croix.
Le flou de l’identité de chacun d’eux se complique avec leur double, comme si aucune identité n’appartenait à personne chaque danseur élaborant de mystérieuses métamorphoses ou une transmutation de l’être – n’oublions pas que Faust est un alchimiste. Dans cette magie obsédante de la chorégraphie, le double est en perpétuelle rotation. Le Diable est sous toutes ses formes et sous toutes ses identités démultipliées : Méphistophélès, Satan, Lucifer, Belzébuth....
Inévitable, la Mort a le rôle principal.
C’est Bernice Coppieters qui l’interprète en étirant son corps à l’infini avec une souplesse sidérante. Elle devient oiseau de mauvaise augure ou rapace aux griffes acérées ou encore reptile qui jette au plus loin son venin. Fascinante dans sa cruauté, elle domine les autres danseurs d’une hauteur illusoire.
Chargée de symboles, la scénographie de Rolph Sachs magnifie le spectacle, tandis que les merveilleux costumes de Philippe Guillotel ajoutent à l’efficacité visuelle de ce ballet romantique.
Lors d’une tournée à succès jusqu’en Russie, il a reçu le prestigieux Benois de la danse, ce qui prouve la magie et la grâce de cette chorégraphie.