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Exit Above - D’après la tempête (Chorégraphie d’Anne Teresa de Keersmaeker)

Un magnifique voile blanc flotte sur la scène, sans doute pour signifier « La tempête » (celle de Shakespeare). Pour l’affronter un jeune danseur vient d’abord seul - accompagné par la guitare de Carlos Garbin - et ensuite rejoint par un groupe, au début immobile, d’une douzaine de danseurs et qui va vite occuper l’espace scénique en marchant, tous restant réunis. Selon le danseur ou la danseuse, chacun circule pourtant à un rythme différent des autres, certains très rapidement d’autres lentement.

Ils sont jeunes et c’est leur formidable énergie qui les dirige. Cette énergie dépasse la scène pour rejoindre le public fasciné, quoique cette danse provoque peu à peu en lui une sensation de plaisant inconfort.

Parmi eux, une chanteuse – l’autrice, compositrice et interprète Meskerem Mees, flamande d’origine éthiopienne -, à l’admirable voix véritablement envoûtante. Elle va commenter l’action qui devient un voyage musical entre guitare et chant. Chaque mouvement est accompagné d’une chanson rythmée, ou parfois comme une plainte qui s’élève.
Peu à peu, les danseurs, visages et regards fixes, avancent vers le public avant de retourner au fond de la scène où le guitariste les accompagne en jouant de son instrument, tandis que le (la ?) voile tombe.

Envoûtante et magnétique, cette danse réunit, dans un style singulier, plusieurs aspects de la marche qu’elle soit lente ou accélérée.

Chacun vient faire son numéro sur le devant de la scène, les yeux dans les yeux des spectateurs, ou s’allonge en jetant ses jambes en l’air. Qu’ils soient masculins ou féminins, les vêtements sont devenus dans le même style, avec des hauts en tissus transparents.
La grande chorégraphe flamande Anne Teresa de Keersmaeker aborde ici la marche sous tous les angles possibles, en solitaire et en groupe de multiples marcheurs, avec leur incroyable énergie. Sur une musique souvent répétitive, tous les danseurs et danseuses marchent sans cesse en ralenti ou en accéléré, avec parfois des sauts et des gambades. Tout repose sur le courage et la vaillance des interprètes qui iront jusqu’à atteindre une sorte de transe, tandis que la musique de la guitare devient furieuse.

Certaines séquences, faites de traversées en tous sens de voltes et contre-voltes, embarquent les danseurs dans des tourbillons insensés en martelant le rythme, jusqu’à leur donner le tournis.

Pour le prouver, à la fin, les danseurs viendront vomir – pour du faux ! – sur le public du premier rang !
La recherche chorégraphique est originale et le projet audacieux avec un jeu sur le masculin et le féminin. Dans cette danse envoûtante et magnétique, extraordinairement menée, Anne Teresa de Keersmaeker confirme son exceptionnel talent.

L’énergie déployée par ces danseurs a convaincu tout le public lors des représentations à Anthéa des 3 et 4 octobre. Même les spectateurs les plus blasés, ont frénétiquement applaudi : applaudissements et acclamations ont témoigné de leur reconnaissance à cet insolite spectacle d’une danse originale, inhabituelle.

Caroline Boudet-Lefort

Visuel de Une ©ANTHEA

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