En sélectionnant des chorégraphes de divers horizons, le ballet rend hommage à des artistes qui se sont distingué chacun à leur façon dans l’art chorégraphique, et montre ainsi l’influence d’artistes Noirs dans l’Histoire de la danse. Eric Vu-An, directeur artistique de la danse à l’Opéra de Nice, est lui-même le fruit d’un métissage blanc, noir et vietnamien, aussi exprime-t-il, à travers cette sélection, ses origines à la fois européennes, africaines et asiatiques.
Créé en mai 1989, dans le cadre du bicentenaire de la Révolution Française, « Chaka » de Maurice Béjart offre quelques minutes qui passent comme un éclair en rappelant la « négritude » de la danse, grâce à ce Roi d’Afrique du Sud qui milita contre le colonialisme. Tous habillés de blanc, hommes et femmes dansent avec chacun un bébé blanc en celluloïd dans ses bras, tandis que Eric Vu-An vient lui-même parmi eux énoncer des extraits d’un texte du célèbre poète sénégalais Léopold Sédar Senghor. Jusqu’à ce que les paroles s’envolent dans un noir total, à la fois sur scène et dans la salle.
Vient ensuite la reprise du fameux « Ballet de Faust », créé en 2018, sur une chorégraphie d’Eric Vu-An.
C’est dans l’enfer que se déroule une véritable nuit de Sabbat où Méphistophélès tient la dragée haute à Faust. Accrochés aux parois, des flambeaux symbolisent les flammes qui brûlent sans cesse, tandis que les danseurs dessinent leurs gestes sur la musique de Gounod. Tout en signifiant leurs différences, ils se rejoignent les uns les autres avec une sensualité qui les égare.
La vedette c’est Méphistophélès, superbement incarné avec des gestes maléfiques qui ne trompent pas les spectateurs totalement subjugués par le talent de l’interprète offrant une puissance à la fois technique et sensuelle. Il aborde la conquête de l’espace scénique avec son torse nu et son visage plâtré de blanc en jetant ses maléfices en gestes rapides dans un rituel où la vivacité accentue son pouvoir. Il dévoile un langage du corps aussi large et flamboyant que précis et appliqué, son buste passant à l’attaque et ses reversements vifs servant ses manipulations diaboliques. Cette pièce sombre articule des duos où les danseurs s’agitent et se chassent en tournoyant entre les flammes.
« Verse us – Dwight Rhoden » mêle des musiques très variées, allant de Mozart à Philip Glass, en passant par Debussy, Nils Frahm, Sven Helbig et Kristian Järvi. Il faut dire que l’inspiration chorégraphique de Dwight Rhoden est tout aussi diversifiée entre classique et contemporain dans un même ballet considéré comme un poème. Du langoureux à sensuels, les mouvements d’ensemble sont parfaitement exécutés, et l’atmosphère générale est envoûtante.
Avec les pulsations très jazzy de la musique de Duke Ellington, « Night creature » est chorégraphié par Alvin Ailey qui fit tant évoluer la danse moderne américaine. Tous vêtus d’un bleu céleste, les danseurs s’agitent à vive allure sur la scène : les filles plongeant comme des virgules de haut en bas, et les garçons s’élevant d’un coup de bascule. Ils dansent tous avec la rapidité requise par ce swing très pattes en l’air des nuits du Harlem des années 30. Les spectateurs admirent cette fluidité, cette légèreté et cette fugacité à faire chavirer les coeurs et à donner envie de danser soi-même.
Avec ces chorégraphies très diversifiées, « Black Dances Matter » est un spectacle de danse jubilatoire qui a tout pour réjouir chaque spectateur. A la fin, les applaudissements jaillissent à tout rompre pour exprimer l’enthousiasme de chacun !
Caroline Boudet-Lefort
Encore à voir :
19 oct. 2021 à 20:00
20 oct. 2021 à 20:00
21 oct. 2021 à 20:00
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