SIDI LARBI CHERKAOUI - CRÉATION /// Memento Mori.
Souviens-toi que tu vas mourir. Cette expression latine séculaire est le point de départ de la nouvelle représentation du chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui. Comment la vie est-elle influencée par la conscience de la mort ? Cette question est abordée ici en explorant les trois étapes du processus de mort : Les moments avant, pendant et après la mort ? D’une part, le mystère de la mort inspire une très grande crainte mais, d’autre part, pour beaucoup, elle nourrit aussi une fascination particulière.
Comment peut-on vivre en sachant que la vie est brève et finie ? Et par-dessus tout : que laissez- vous de vous-même après la mort ? En travaillant à partir de souvenirs personnels et intimes, et de la fascination pour la mort des anciennes icônes du monde pop, Sidi Larbi Cherkaoui examine ce qui se passe pour ceux qui restent derrière lorsqu’un être cher meurt.
Avec Memento Mori, Sidi Larbi Cherkaoui présente la pièce finale de la trilogie qu’il a créée pour Les Ballets de Monte–Carlo. Dans la première partie, In Memoriam, il a exploré la signification des ancêtres et la façon dont ils continuent de vivre par l’intermédiaire de leurs descendants. Dans Mea Culpa, il approfondit davantage cette notion et explore les héritages négatifs que les ancêtres peuvent laisser et la culpabilité de ceux qui sont parmi les vivants. Avec Memento Mori, il achève maintenant cette réflexion avec la question de ce qu’on laisse derrière soi, en guise d’héritage.
JEROEN VERBRUGGEN - CRÉATION/// Massâcre
Les musiciens et les chorégraphes en reviennent toujours au Sacre du Printemps de Stravinsky… Fasciné comme tant d’autres par cette musique, j’ai souhaité à mon tour me confronter à cette oeuvre monumentale. Je l’ai donc explorée dans ses moindres détails : les notes de la partition, ses rythmes, ses harmonies. Ces dernières sont parfois résolument « jazzy », c’est ainsi que la version jazz proposée par « Bad plus » est devenue la musique la plus appropriée à mon projet. En essayant de ressentir au maximum et jusque dans mes entrailles cette nouvelle atmosphère, j’ai commencé à mettre en place un langage athlétique avec ses modèles et ses déclinaisons.
Contrairement à Nijinsky plaçant (jusqu’à l’obsession), le cercle au centre de sa réflexion, j’ai mis cette pièce dans une boîte carrée ! Les carrés et les rectangles suggèrent la rectitude, l’honnêteté.
Les carrés me rappellent par ailleurs les notions de fondations (celles des maisons), de tracés (ceux des parcelles de terre ou des jardins) et de champs à ciel ouvert qui nous relient au divin. Les carrés nous parlent souvent de concepts matérialistes, de choses établies… Mais ils soulignent aussi la dualité présente dans tout ce qui nous entoure, ils nous offrent un cadre, un terrain où les opposés se confrontent et parfois s’équilibrent. En isolant les deux parties de la partition et en les attribuant aux danseurs puis aux danseuses, j’ai souhaité faire ressortir au sein de ces deux groupes les sentiments de violence, de passion et de convoitise qui les animent. Après tout, Le Sacre du Printemps ne parle que de ça.
Notre monde évolue rapidement. Nous sommes traversés par son rythme effréné, par son « anormalité », par sa furie qui nous presse, nous pousse à agir rapidement et à effectuer des choix parfois de manière quasi instinctive. Notre nature humaine nous amène à prendre des décisions, c’est ainsi… Cette prise de décision à laquelle nous ne pouvons échapper malgré un contexte chaotique m’amène à me poser une question liée au Sacre : Lorsque nous désignons le faible et que nous le sacrifions pour nous purger de de notre égoïsme éhonté, quel processus se met en place ? Est-ce une élection ou bien un sacrifice ? À quel moment l’âcreté de ce rituel quasi amoureux fait place au massacre ? La frontière est floue et à travers ce travail, j’ai essayé d’explorer comment nous flirtons avec ces limites, à quel moment nous nous situons en-deçà ou au-delà du cercle de notre histoire où poésie et violence s’affrontent.
Quand je pense à mon travail sur Le Sacre du Printemps, j’ai à l’esprit l’image d’une plume déchue trouvée dans les endroits les plus étonnants, comme l’évocation d’un geste d’amour d’un ange gardien survolant l’agitation de notre monde.
« L’espoir est une chose avec des plumes » (Emily Dickinson)