Un couple vit à la campagne, avec leur garçonnet, de l’élevage de poissons rouges dont s’occupe le père en pleine campagne, tandis que la mère est directrice d’école dans un village à proximité. Les difficultés commencent lorsqu’une entreprise voisine a des vues sur leur terrain et veut se l’approprier par tous les moyens, fussent-ils malhonnêtes. Ainsi un jour, l’eau qui abreuve le bassin est coupée et les poissons meurent. Puis ce sera des oiseaux de proie lâchés... Tout est bon pour éliminer cette modeste famille menacée par des voisins d’une animosité quasi-obsessionnelle, source de tensions telles qu’elles pourraient déboucher sur un affrontement sanglant. Résister c’est David contre Goliath.
L’homme se cogne en vain à un système qui se perpétue entre fonctionnaires véreux et policiers mafieux.
L’engrenage se poursuit à chaque nouvelle démarche, à chaque nouvelle rencontre... Sa vie devient un cauchemar face au mal sous toutes ses formes et la pression subie est de plus en plus radicale. Rien ne lui sera épargné. Il ne peut faire confiance ni en la justice, ni en la religion. Pourra-t-il résister ?
Chacun se résigne, même sa femme elle aussi confrontée à diverses situations liées à cette constante corruption. Ses amis, restés à la ville, semblent indifférents, détachés de lui suite à son éloignement. Mais cet »homme intègre » ne renonce cependant pas. Il s’entête et ne cède pas, le choix moral ne se pose pour lui que du côté de la conscience. La famille se désagrège. Sa femme ne comprend pas sa fermeté à ne pas céder à la corruption.
Rien ne légitime la pratique de ce système et on peut s’interroger sur les causes profondes si répandues, devenues une norme en Iran, sans honte ni scrupules.
Le film montre qu’il y a toute une chaîne de corrompus, et s’adresser à l’un pour dénoncer l’autre, ne sert qu’à renforcer cette corruption constante où tous sont solidaires pour détruire toute résistance.
Ce ne sont que magouilles, pots-de-vin et extorsions exercés autant par celui qui revendique sa terre que par tous les autres tout autant corrompus que lui.
Aucun compromis n’est possible sans recours à la violence.
Après avoir tout fait pour préserver son intégrité et pour s’opposer à ce système en restant fidèle à ses principes moraux, cet « homme intègre » sera obligé de céder à cette pression de plus en plus fortement subie. Il ne pouvait s’en échapper qu’en se réfugiant dans une mystérieuse grotte pour boire du vin planqué dans une pastèque. Un abri symbolique de son refus à toute compromission.
Reza Akhlaghirad et Soudabeh Beizaee interprètent à la perfection ce couple désireux d’un bonheur tranquille, mais confronté à ce mal endémique généralisé.
L’histoire est simple, mais accablante. Qui est responsable ? Qui fixe les lois ? En racontant ce qui se passe en Iran, Mohammad Rasoulof raconte ce qui se passe dans de nombreux pays. Malgré sa difficulté à réaliser et à sortir ses films, il continue à parler de son pays en dénonçant la corruption qui y règne. Comme Jafar Panahi, il a subi la prison, le retrait de son passeport et toutes sortes de pressions.
Après avoir été récompensé, à Cannes en 2013, par la Presse Internationale pour « Les Manuscrits ne brûlent pas » où il dénonçait l’autocensure, Mohammad Rasoulof a reçu le prix « Un certain regard » pour « Un homme intègre » au dernier festival de Cannes. C’est un miracle que le film ait pu y être présenté, car le réalisateur vit sans cesse sous la menace. Mais il résiste !
Caroline Boudet-Lefort