Chronique d’une famille de la grande bourgeoisie industrielle italienne en voie de désagrégation, Un château en Italie est la troisième réalisation de la comédienne Valeria Bruni-Tedeschi qui revient sur son histoire familiale, avec la maladie de son frère atteint du sida et la vente du magnifique château familial en Italie. Elle y ajoute une rencontre amoureuse avec un comédien de vingt ans son cadet (Louis Garrel), un jeune comédien qui envisage d’arrêter de faire ce métier. Tension, excitation, hystérie, exaltation : c’est un cinéma exacerbé et risqué, éloigné de tout formatage que livre Valeria Bruni-Tedeschi.
Evidemment la vente du château italien (celui du titre) évoque La Cerisaie de Tchekhov et apporte au film une miette de mélancolie, mais cela se perd dans l’entrelacs d’une multitude de sujets abordés. Avec quelques scènes burlesques et d’autres tragiques, le film semble hybride, comme s’il n’avait pas trouvé la voie sur laquelle rouler et malgré quelques personnages attachants. Certaines scènes semblent même horripilantes, particulièrement dans la relation entre Valeria Bruni-Tedeschi et Louis Garrel qui incarne ce comédien en crise, avec son jeu intérieur toujours décalé. Certes, cette relation semble mal définie dans l’écart d’implication de chacun : l’homme recule devant tout engagement, alors que la femme veut un enfant malgré son âge plutôt limite. Elle ira d’ailleurs jusqu’à un pèlerinage à Naples avant d’en venir à la fécondation in vitro (ce qui donne une scène d’anthologie par peur de confusion entre les spermes). Tandis que, en ami fauché et alcoolique, Xavier Beauvois apparaît régulièrement pour émettre toutes sortes de jugements péremptoires et sévères sur cette famille qu’il trouve radine alors qu’il la tape.
On peut s’interroger : Valeria Bruni-Tedeschi a-t-elle trouvé le ton juste ? N’a-t-elle pas voulu aborder trop de sujets dans ce seul film ? N’a-t-elle pas introduit trop de personnages que le spectateur n’a pas vraiment le temps de suivre dans cette famille largement dysfonctionnelle : le frère malade (Filippo Timi), la mère excessive (Marisa Borini), l’amoureux ténébreux,...
Pourquoi dissimuler notre déception ? Nous avions tant aimé « Il est plus facile pour un chameau... » et « Actrices ». Quoi qu’elle s’en défende, il y a encore une grande part autobiographique dans ce « Château en Italie » : son frère est mort du sida, elle a eu une relation amoureuse avec Louis Garrel, sa mère réelle joue son propre rôle ... Ce déroutant patchwork, d’un mélange entre réalité et fiction, n’accorde cependant guère de place à l’émotion, même si Valeria Bruni-Tedeschi ose évidemment prendre des risques en se mettant à nu devant nous. Déboussolée, elle est bien assortie à sa famille déjantée. On regrette un manque de fil conducteur et que l’encombrement d’anecdotes - pourtant parfois drôles - nous entraîne dans ce parcours de scènes irrégulières, concoctées avec Noémie Lvovsky.
Le film révèle et dissimule tout en même temps, il attire et rebute tout à la fois. Mais peut-être cherche-t-il juste à séduire et à rappeler que, c’est bien connu, on lave toujours son linge sale en famille.