Librement inspiré du roman autobiographique de Julie Bonie « Chambre 2 », le sujet du film tenait à coeur la réalisatrice Marion Laine, qui a fait elle-même une expérience dans un hôpital alors qu’elle était étudiante.
Sans vouloir réaliser un film social ou militant, elle montre le manque d’effectifs dans cette profession sous-payée, et particulièrement les auxiliaires qui font un boulot méconnu et méprisé.
Sachant que ce travail est une vocation, un véritable don de soi, les instances gouvernementales ne se préoccupent pas de faire avancer la situation et aucune « enveloppe » n’est jamais prévue.
Jeanne vit seule avec sa fille Zoé (« la vie » en grec, tiens donc !), gentil monstre d’égoïsme vis-à-vis de sa mère dont elle va soudain découvrir l’étrange passé jusqu’alors occulté. Ce passé qui resurgit fut éphémère et flou, si loin de sa vie actuelle. Du temps de sa jeunesse, Jeanne était chanteuse dans un groupe rock qu’elle a abandonné soudainement en changeant d’identité : de Norma elle est devenue Jeanne (Norma Jane était le nom d’origine de Marilyn Monroe, est-ce un hasard ?)
Quand Jeanne s’était retrouvée enceinte, elle avait aussitôt remis en question toute sa vie qui fut alors déterminée par la rencontre avec une sage-femme, aujourd’hui sa supérieure et amie (Brigitte Roüan, très bien). Les sages-femmes n’ont-elles point la réputation d’être un peu des sorcières ? Complètement subjuguée par la maternité, Jeanne s’y est engagée totalement, tant dans sa vie privée que professionnelle, donnant tout son amour à sa fille et à tous les nouveaux-nés qu’elle manipule avec des gestes d’une grande tendresse, sachant que les premières heures d’un bébé sont cruciales pour toute sa vie.
C’est dans la réalité du travail quotidien des soignants que ce film profondément émouvant convainc le plus.
Les flashs- back sur le passé de Jeanne encombrent un peu ce « message » du film. Parler du travail du personnel hospitalier est en prise avec l’actualité de ce vilain virus qui n’en finit pas d’importuner notre quotidien. La sortie en salles de « Voir le jour » était prévue en avril, le film a donc été réalisé avant la pandémie. Et les accouchements n’ont pas arrêté pendant ce temps de « chacun chez soi ». Pour les sages-femmes, il a fallu continuer de travailler, et pour Jeanne et les autres... On saisit ici et là le passé de chacune, parfois tragique, souvent secret comme celui de Sylvie (touchante Aure Atika).
Zoé est maintenant en âge de partir faire ses études à Paris. Depuis sa naissance, toute la vie de Jeanne s’est greffée sur celle de sa fille et maintenant son rôle de mère semble inutile, nouvelle épreuve de la vie, une étape à franchir aussi insolite pour elle que de la voir se passionner pour la plongée en apnée ce qui la terrifie. Il est si important de respirer, et déjà pour tout nouveau-né, alors que justement l’un d’eux ne respire plus....
Une petite méduse en plastique est le seul souvenir que Jeanne a conservé de son passé, elle la jette à la mer en même temps que sont jetées les cendres de l’homme qu’elle a sans doute aimé. Cet animal que tout le monde déteste est pourtant très beau aux yeux de cette femme qui, courageusement, a décidé à 30 ans de se lancer dans une formation avec des jeunes de 16 ans.
Dans cette émouvante histoire d’amitié et de solidarité entre femmes, la musique a son importance, non seulement à cause du passé de chanteuse de Jeanne, mais tout le film est truffé de musique et de chansons, et particulièrement de « Mamy Blue » qui revient comme un cri de revendication dans la manifestation finale.
Après l’adaptation d’« Un coeur simple » de Flaubert (déjà avec Sandrine Bonnaire), Marion Laine s’est préoccupée de questions on ne peut plus actuelles en se confrontant, outre un petit budget, à de multiples difficultés. Ainsi, en France, il est interdit d’utiliser de jeunes bébés pour un film. Il a donc fallu un énorme travail de montage pour insérer, parmi les personnages, des images de documentaires sur des nouveaux-nés. Ce montage est parfait, bravo, encore bravo !
Caroline Boudet-Lefort
Le film a été présenté en avant-première en présence de la réalisatrice au Cinéma Casino d’Antibes.