Dans ce récit historique, Terrence Malick. raconte la résistance passive d’un paysan autrichien, Frantz Jägerstätter, pour rester en accord avec son idéologie face à l’invasion du nazisme. Catholique très pratiquant, il mènera une vie de saint et, reconnu comme martyr, il sera béatifié par Benoît XVI, en 2007.
En préambule, des extraits d’images d’archives montrent la montée du nazisme avec des parades nazies à Berlin à la veille de la Seconde Guerre mondiale, sur une musique de Bach. ?Fidèle à une reconstitution exacte, Malick s’est documenté au maximum sur la vie de son personnage, tout en ajoutant son point de vue éthique et politique sur les événements vécus par lui. Le film peut se voir aussi comme un plaidoyer politique contre la montée de l’extrême droite en Europe. En s’attachant au passé, Malick parle du présent et de toutes les dictatures fascistes qui envahissent la planète.
Magnifique poème visuel et musical, « Une vie cachée » livre une réflexion politique et éthique sur l’existence du mal.
Frantz Jägerstätter vit de travaux des champs entre sa femme et ses trois filles dans le tranquille village de St Radegund (proche du lieu de naissance de Hitler), alors que la nazification s’étend par la propagande et la répression. La croix gammée est partout. Refusant de se faire enrôlé, Frantz est emprisonné et torturé avant d’être condamné à mort. Bardé de certitudes, il refuse le mal et agit selon sa conscience en gardant une foi inébranlable, malgré le véritable calvaire qu’il subit. Ce n’est pas l’Eglise qui le soutient – ses représentants restent silencieux – mais sa foi.
C’est l’histoire de quelqu’un qui dit non à quelque chose qu’il sent être injuste.
Aucun héroïsme particulier, sinon d’opposer un « non » obstiné. Sans agressivité, il se contente d’exprimer son refus, même au juge (Bruno Ganz) qui lui propose d’être infirmier afin d’éviter d’être exécuté. Une résistance noble mais solitaire, et par là même inutile. Une « vie cachée », donc.
A l’époque, tous, quelle que soit leur idéologie, ont été enrôlés à cause de leur peur. Alors que tant ont été victimes de faiblesse, Frantz reste fidèle à ses idées et cohérent avec lui-même. Il refuse de se laisser enrôler dans la doctrine hitlérienne et le paiera de sa vie. Les lettres qu’il a écrites à sa femme sont simples et émouvantes de sincérité. Dans son village, à sa mort, il sera considéré comme traître, ou comme fou et suicidaire, aussi sa femme ne sera-t-elle pas aidée. Et il faudra la publication aux Etats-Unis de leur correspondance pour que change la réputation de cet homme.
Cinéaste du règne végétal, Malick filme merveilleusement la nature. Il s’attarde sur de sublimes paysages de montagnes majestueuses, de torrents sauvages, de vertes prairies bucoliques qui s’opposent aux cours de casernes et à la sinistre prison nazie où on torture Frantz. Le cinéaste prend plaisir à montrer longuement la fenaison et la moisson, avant que le paysan ne devienne un martyr.
L’amour conjugal est célébré par les scènes d’intimité entre ce simple paysan et sa femme qui reste un soutien inconditionnel même dans l’épreuve de la séparation et avant de s’épuiser à le remplacer elle-même dans les travaux des champs.
Quoique Allemand et Autrichienne, les acteurs principaux, August Diehl et Valerie Pachner, parlent en anglais. Seuls les nazis hurlent en allemand.
Ce magnifique film ambitieux hante longtemps le spectateur...
Caroline Boudet-Lefort