C’est elle, Silvia, le personnage principal du film et sa vie est pleine à ras bord. Elle s’oppose à sa mère grincheuse avec des problèmes de santé qu’elle refuse de soigner. Et, avocate, elle est confrontée à une affaire de corruption magouillée par son supérieur des Travaux Publics de la ville qui lui en fait porter la casquette. En plus, voilà qu’une histoire d’amour se profile dans sa vie de longue solitude affective.
Bien qu’elle résiste et affronte les tourments avec le courage qu’il faut pour continuer, elle n’en peut plus d’avoir à faire face à tout. D’autant qu’elle est très affectée par l’état de santé de sa mère qui, atteinte d’un cancer, refuse toute thérapie, préférant mourir que souffrir. L’inépuisable thématique des liens familiaux est cette fois encore au centre du film dans ce qu’elle a de plus intime : la perte d’un de ses parents.
Franco Lolli ausculte la vie de Silvia en sachant déceler l’indicible et la tragédie dans le quotidien de cette mère qui résiste à sa propre mère dévorante, recluse dans sa chambre. Il sait avec justesse, révéler les obscurs tourments de la vie, creuser les sentiments de ses personnages dans lesquels les spectateurs peuvent se reconnaître. Il se montre très doué pour prouver une grande empathie vis-à-vis de ses personnages dont les voix résonnent toujours justes, avec des sentiments forts, cruciaux, qui donnent au film une résonance impressionnante.
Ce réalisateur de l’intime prouve sa sensibilité en racontant la maladie de sa propre mère, Leticia Gomez, qui interprète elle-même l’un des deux rôles principaux, ce qui a certainement apporté au film une authenticité ressentie par le spectateur.
D’autant plus que tous les acteurs sont des non professionnels et, révélée dans ce film, Carolina Sanin est étonnante de naturel dans le rôle de Silvia.
Sans tomber dans un pathos indécent, Franco Lolli réussit à rendre très « vivant » la fin de vie de cette septuagénaire capricieuse. Dans ce magistral tableau familial, où la vie des différentes personnes gravite autour du besoin d’amour de chacun et de la pudeur d’en parler, il prouve sa capacité à travailler les sentiments comme une matière nouvelle.
Jeune cinéaste colombien de 35 ans, Franco Lolli est passé par la Fémis à Paris, d’où il est sorti avec des félicitations. En 2014, pour son premier long-métrage, « Gente de bien », il avait été accueilli à la Semaine de la Critique, au Festival de Cannes. Et, en 2019, c’est dans la même sélection que « Une mère incroyable » a fait l’ouverture sous son titre original « Litigante ».
Caroline Boudet-Lefort