Choisis astucieusement par le réalisateur, les souvenirs de Lui et Elle permettent au spectateur de voir le déroulement de leur histoire d’amour de sa naissance à son inévitable mort. Malgré leur désir de bonheur et de réussite, leur amour s’étiole et leur relation s’essouffle.
Etudiants à Rome, ils se rencontrent dans une fête et l’alchimie opère aussitôt : l’attirance est immédiate. Ils s’aiment, s’installent ensemble, se disputent, se séparent... C’est à travers leurs souvenirs que Valerio Mieli raconte leur relation amoureuse et qu’il définit les caractères des deux personnages. Lui est un beau ténébreux, renfermé sur lui-même. Elle, ouverte et disponible aux autres, tente de le soulager de ses angoisses. Il se nourrit de sa bienveillance et en abuse, sans prêter attention à ses propres souffrances qu’elle dissimule pour se montrer toujours prévenante.
Grâce à un montage impeccable, le film va et vient entre le présent et les souvenirs hasardeux de chacun d’eux, jouant sur leurs points de vue différents face à chacun des événements qui a laissé des empreintes improbables.
« Les souvenirs n’embellissent pas les choses. Elles étaient déjà belles », dit-elle.
La mémoire garde en vrac les souvenirs qui resurgissent dans le désordre sans hiérarchie ni chronologie, et parfois de façon inopinée. Certains souvenirs laissent des traces inaltérables et aident à se construire, en se mêlant, se superposant, vrais ou faux, s’ils sont imaginés. D’autres encombrent l’esprit de façon lancinante, on ne sait pourquoi.
L’interprétation des comédiens est parfaite, tant grâce au jeu attachant de Linda Caridi (vue chez Mario Martone et Marco Tullio Giordana) que par la présence de Luca Marinelli, l’acteur italien le plus en vue actuellement. Ils sont soutenus par une superbe bande musicale (Bach, Debussy...).
Après « 10 hivers à Venise » en 2012, Valerio Mieli réalise avec « Ricordi ? » son deuxième long-métrage et c’est une réussite.
Même si on peut lui reprocher un certain maniérisme avec une esthétique trop léchée qui nuit à l’intention du film (Ah ! ces mains qui se joignent sur une fourrure en bord de mer !) ! Cependant le spectateur s’attache à la belle histoire d’amour de ce jeune couple aux souvenirs déformés par l’écoulement du temps, l’humeur et leurs différents points de vue. En partageant leurs souvenirs, leur perception respective se découvre, mêlée à leurs inévitables illusions.
Caroline Boudet-Lefort