Mikey bouscule tout dans l’univers familial où il cherche trouver une place et à prendre un certain pouvoir. Vantard, avec un baratin de bonimenteur près à exploiter toutes les faiblesses chez l’autre, il pense que son bagou va lui ouvrir toutes les portes et qu’il sera accueilli comme une star. Mais sa « carrière » dans le cinéma porno est loin d’être appréciée par une société verrouillée et puritaine.
Pour payer son loyer, il va de combines en combines, toujours minables et malhonnêtes : les valeurs morales ne l’étouffent pas.
Entre baratin et arnaques, il carbure à la débrouille, pas toujours scrupuleuse ni sympa. En orchestrant comme un crescendo, la confrontation entre son élan d’une vie pleine de fantaisie et le rejet évident de son entourage. Chez les habitants de cette petite ville paumée, on sent des rancunes de crasses passées. Son amoralisme cool n’est plus supporté et, en définitive, il se retrouve bien seul.
L’exaltation de Mikey ne l’empêche pas de glisser dans la précarité, mais, beau gosse, il emballe, en la saoulant de mots, une jolie gamine qui peut lui donner l’espoir d’une vie sur de bons rails, alors qu’en fait, il serait prêt à l’expédier faire à son tour du cinéma porno, en récupérant un peu d’argent au passage, histoire d’échapper à sa mouise. Dispersé, il est vite séduit par tout miroir aux alouettes. Mais il finira par sortir du déni en regardant sa vie en face et en prenant conscience de ce qu’il a perdu.
Tout se passe pendant la campagne pour l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis dans une Amérique qui correspond à ses électeurs et à leur opportunisme cynique, comme celui de Mikey.
« Red Rocket » est le septième long-métrage de Sean Baker dont on a surtout remarqué « Tangerine », en 2015, et « The Florida Project », en 2017.
Il préfère suggérer par des glissements de perception plutôt que par les dialogues ou des rebondissements. Aussi, dans « Red Rocket », relève-t-il le défi de laisser supposer le changement intérieur de son personnage principal.
Ce portrait de looser décontracté et profiteur abusif est incarné par Simon Rex. Grâce à son excellent jeu, il donne une vérité saisissante à une vie en forme de fuite en avant. Au dernier Festival de Cannes, où « Red Rocket » était sélectionné en compétition, cet acteur a bien failli remporter le Prix d’interprétation masculine : son nom était largement cité sur la Croisette pour la fantaisie et la sensibilité qu’il a données à son personnage d’antihéros.
Caroline Boudet-Lefort