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Fin de cet événement Février 2020 - Date du 8 janvier 2020 au 8 février 2020

Sortie ciné : LES SIFFLEURS de Corneliu Porumboiu

Le réalisateur roumain Corneliu Porumboiu a un talent évident pour manier l’ironie avec un humour décapant, tel qu’on l’avait découvert en 2006 avec « 2h08 à l’est de Bucarest », puis adoré en 2009 avec « Policier, adjectif » et ensuite, en 2015, avec « Le trésor ». Il reste fidèle à son style et à ses recettes habituelles dans « Les Siffleurs », tout en passant, avec talent, au genre thriller pur et dur.

C’est le premier atout de ce film noir classique qui dévoile les méandres et les secrets d’un inspecteur de police de Bucarest, corrompu par des trafiquants de drogue et soupçonné par sa hiérarchie.

Aussi débarque-t-il sur l’île de Gomera aux Canaries, pour s’y réfugier et pour un stage intensif d’une langue sifflée ancestrale, le silbo. Certains autochtones l’utilisent pour communiquer d’une montagne à une autre et les truands l’ont adoptée pour que la police n’y entende que « des chants d’oiseaux ».

Cet inspecteur cherche à aider un complice à s’évader de prison à Bucarest et veut récupérer des millions cachés. Mais, étant dans le viseur de ses supérieurs, il a été mis sur écoute et doit fuir sans cesse, se trouvant poursuivi tous azimuts. Des femmes sont mêlées à sa fuite et l’amour qu’il découvre pour l’une d’elles embrouille encore sa situation. Il y a une collègue blonde (Rodica Lazar) et une femme fatale brune (Catrinel Marlon), prisonnière volontaire nommée Gilda, comme par hasard. Ce sont les femmes qui font avancer l’histoire.

Comédien habituel des films de Corneliu Porumboiu, Vlad Ivanov excelle dans son rôle très ambiguë où son personnage, désabusé et insaisissable, est confronté à toutes sortes de mensonges et chausse-trappes, de pièges et de faux-semblants, dont lui-même n’est pas innocent.

Il ne croit plus en rien et ses protecteurs, tous pourris, peuvent être tout autant dangereux et néfastes que ses ennemis. Chacun ment et joue un double jeu avec une langue de bois manipulatrice. La défaillance morale des protagonistes fait inexorablement glisser ce thriller, à la superbe photographie, vers la tragédie.
Dans ce réseau de surveillance et d’espionnage constant, l’atmosphère est trouble, glaçante, paranoïaque. Chacun écoute et surveille l’autre. Tiens donc ! On y arrive dans nos vies actuelles où fouilles et caméras de surveillance augmentent sans cesse.

La corruption est partout. Chacun sait que c’est un fléau permanent en Roumanie, et que le cinéma roumain s’en délecte sans cesse. Mais cette fois, dans ce film, pas de fin moralisatrice : c’est le plus corrompu qui gagne et c’est la corruption qui l’emporte comme dans la réalité !
Dans « les Siffleurs », où les flash back sont multiples, la musique est très présente allant de Carl Orff à Iggy Pop, en passant par des airs de musique classique comme « La Barcarolle » et « Casta Diva », sans doute encore un clin d’oeil ironique de Corneliu Porumboiu.
Le titre original du film, « La Gomera », fait référence à la paradisiaque île des Canaries où se déroule l’action. Mais plutôt les actions, parce que ça dégage !
Caroline Boudet-Lefort

Date de sortie 8 janvier 2020 (1h 38min)
De Corneliu Porumboiu
Avec Vlad Ivanov, Catrinel Marlon, Rodica Lazar plus
Genre Thriller

Photo de Une (détail) Catrinel Marlon |Copyright Vlad Cioplea

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