Un homme ordinaire, bon mari et bon père, se lance dans sa propre quête religieuse pour purifier la ville en supprimant à sa manière toutes les prostituées : il les assassine une à une. Après une drague dans la rue, il les emmène chez lui, tandis que sa femme et ses enfants sont à la campagne. Toujours sur le même mode opérationnel, il enveloppe ensuite le corps dans un tapis et le jette dans un coin paumé.
Cette méthode sordide et impitoyable montre les dangers d’un excès de religiosité qui rend d’abord cet homme au-dessus de tout soupçon, avant d’y voir les dangers d’un désir de pureté totale. Lors de son procès, il a d’ailleurs provoqué l’admiration nationale d’une partie du pays fascinée par ses valeurs morales.
Ce tueur en série – dans la réalité, il a tué seize femmes - est cependant déçu par le manque d’intérêt du public, alors que lui-même voit son geste comme une mission divine. Indifférentes, les forces de l’ordre se contentent de surnommer le coupable « l’araignée » pour ajouter du sensationnel aux informations des médias. Le titre anglais est « Holy Spider » induisant un film fantastique, mais ce fait réel est lui-même fantastique.
Venue tout spécialement de Téhéran, une journaliste décide, à ses risques et périls, de mettre la main sur cet être infâme. On voit les autorités de la ville lui refuser toute aide. C’est donc seule qu’elle se lance, dans des quartiers crasseux, à la recherche de ce coupable de meurtres révoltants où la femme est un être subalterne. En la suivant dans son enquête, le spectateur du film devient complice malgré lui.
La journaliste s’installe dans un coin de rue glauque, et, la prenant pour une racoleuse, le criminel la conduit chez lui, prêt à mettre en place son rituel habituel. Suspense quoique la tension reste constante.
Zahra Amir Ebrahimi interprète avec justesse et sensibilité cette femme prête à prendre tous les risques pour la défense des femmes
En mai, elle a reçu le Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes, ce qui était fort mérité pour un jeu tout en subtilité. C’est également une reconnaissance pour cette Iranienne obligée de s’exiler en France à cause d’une sombre histoire de « sexe tape » dans son pays.
Le film a été tourné en Jordanie, après des refus en Iran et en Turquie pour ce sujet périlleux d’un tueur en série par idéologie religieuse. A l’époque des faits réels, la population avait été divisée : le coupable méritait-il la peine capitale ou une reconnaissance récompensée ?
Caroline Boudet-Lefort