Il faut dire que la menuiserie est le boulot de François (Jalil Lespert) qui dirige, avec sa femme Noémie (Mélanie Doutey), une importante scierie aux nombreux employés. Ils ont repris, dans le Jura, l’entreprise familiale transmise, de génération en génération, et le père de François émet encore son avis. Méthodique, Noémie assure la gestion, alors que François aime le contact avec la nature et connaît tous les arbres des forêts environnantes.
Le couple vit en parfaite harmonie s’il ne souffrait seulement de ne pas avoir d’enfant, malgré les nombreuses tentatives médicales passant de tests à des injections et aux consignes de la PMA. Leur « désir d’enfant » est immense et si impératif, que Noémie, saturée d’examens médicaux, est prête à entamer des démarches d’adoption.
Un jour, un couple, récemment installé dans la région avec ses enfants, vient faire commande de planches pour aménager une terrasse. La sympathie entre tous quatre est immédiate. Aussi, les uns invitent-ils les autres à l’inauguration de la fameuse terrasse. François a aussitôt été attiré par la beauté blonde et le corps de liane de Patricia (Louise Bourgoin) qu’il embrasse fougueusement dès que possible. Ce sera le début d’une liaison clandestine dans les bois, qu’ils voudraient officialiser, mais François n’arrive pas à « parler » à sa femme la jugeant trop fragile. Les amants s’attachent de plus en plus l’un à l’autre et une intense relation amoureuse s’installe entre eux, surtout quand Patricia tombe enceinte de lui, ce qui semble merveilleux à François pour qui être réellement un père est nécessaire à son existence. La naissance de ce bébé lui donne l’espoir d’une nouvelle vie, d’un essor improbable dont, trop tourmenté, il ne saura pas profiter.
Le cadre de la scierie avec ses machines acérées rend prévisible le dénouement. Ce qui est dommage, car tous ces arbres et le bois de cette entreprise donnent une atmosphère assez inhabituelle à une histoire d’infidélité somme toute assez banale, avec des ficelles assez convenues.
Cependant tout fonctionne à merveille grâce à une distribution convaincante jusque dans les moindres rôles.
Très nuancée dans son jeu, Louise Bourgoin est lumineuse en amoureuse, jusqu’à atteindre une certaine opacité en découvrant la lâcheté masculine. Dans le personnage ingrat de l’épouse ignorante – et donc naïvement confiante – Mélanie Doutey est parfaite entre tact et soutien inconditionnel à son mari. Mais, le plus remarquable est l’intensité du jeu de Jalil Lespert, tout en chaos intérieur malgré sa solidité virile. Avec sa douloureuse incertitude, il apporte un immense degré d’émotions.
Après « Barrage » (2006), « Avant l’aube » (2011) et Coup de chaud » (2015), L’enfant rêvé est le quatrième long-métrage de Raphaël Jacoulot. Il y signe la réalisation et le scénario où il imagine une histoire comme Chabrol les aimait : un faux polar, prétexte à sonder l’âme humaine dans son ambiguïté. Le personnage de François est plus complexe que son autorité apparente ne le laisse supposer et il se montre incapable de sauter dans une nouvelle vie qui s’offre à lui et à combler son désir d’avoir un enfant.
A la naissance de celui-ci, cet « enfant rêvé », il dérape, ne pouvant plus jouer le jeu qu’il s’impose, et un drame se déroule sous les yeux du spectateur prévoyant ce qui va arriver comme étant inéluctable dans ce film fort attachant.
Caroline Boudet Lefort