Le cadre superbe joue un rôle important : très beau, sans être une vision de carte postale, avec des variations climatiques qui prennent sens selon les rencontres se succédant comme des tableaux intimes créés généralement à deux.
Avec les membres de cette famille recomposée et les amis intimes, le réalisateur Ira Sachs explore l’amour dans toutes ses formes : celui qu’on découvre à l’adolescence, celui qu’on éprouve pour ses enfants, pour ses amis, celui qui n’est pas réciproque, celui qui disparaît faute de sentiments, celui que la mort interrompt,... Aucune action donc, mais beaucoup de dialogues, c’est presque théâtral, d’autant que tout se passe en une journée. L’histoire est très simple, sans artifice. Elle tient sur la justesse des situations et la tendresse qui se dégage de chacun dans ce chassé-croisé.
On ne mesure pas très bien jusqu’où la maladie et la mort sont au « travail ». Chacun bute devant cette impossibilité à dire quoi que ce soit, à en parler. La maladie reste de l’ordre de l’innommable, aussi bien du côté de Frankie que de son entourage qui la sait proche de mourir. Le plus dur à supporter, pour Frankie, c’est sans doute que les autres pleurent, ce qui l’oblige à tenir sa souffrance à distance alors qu’elle sait qu’il n’y a pas d’issue.
Le jeu d’Isabelle Huppert est d’une simplicité totale, sans superflu ni second degré. Elle est là, à la limite de la transparence, rendant difficile de trouver son personnage attachant. Son statut de mère fonctionne comme un vernis. Elle donne à son fils un bracelet, et le déshérite par ailleurs en léguant sa fortune à une Fondation pour jeunes comédiens. Elle exprime ainsi que son métier d’actrice est plus important pour elle que son implication comme mère.
On a pu apprécier la délicatesse et la finesse du regard d’Ira Sachs dans deux attachants films précédents : « Love is Strange » et « Brooklyn Village ».
Ici, la retenue est telle qu’elle confine à la langueur dans cette tendre variation sur le thème de l’amour. Le réalisateur filme la vie qui s’en va avec des petites choses qui prennent un sens différent dès cette proximité de la mort. Un regard, un sourire suffisent, une main posée sur celle de l’autre. Il y a tout ce qu’Ira Sachs laisse deviner au spectateur. Sans rien de larmoyant ou de mélodramatique, il nous rappelle juste que chacun de nous est mortel, célèbre ou pas.
Une ribambelle d’excellents acteurs, soigneusement choisis, donne la réplique à Isabelle Huppert : Brendan Gleeson, Marisa Tomei, Jérémie Renier, Pascal Grégory, Greg Kinnear et d’autres. Tous, émouvants.
Caroline Boudet-Lefort