Elles devaient partir à deux, mais, l’une abandonnant le projet en dernière minute, c’est seule que Laura, une jeune finlandaise venue étudier à Moscou, prend le train pour se rendre sur un site archéologique en mer arctique. Elle est aguerrie, n’a peur de rien et se permet toutes les témérités en osant partir seule dans cet inconnu de nulle part : elle tente de rallier Mourmansk afin d’y voir des pétroglyphes du néolithique, unique attrait de cette ville.
Mais la voilà contrainte de partager son compartiment avec un inconnu. Cette cohabitation n’a rien d’attrayant : cet homme, encore jeune, se montre fruste, inculte, et, de plus, il est imbibé d’alcool la plupart du temps. Il part au loin dans une mine qui recrute pour un travail qu’on lui annonce dur, mais très rentable et c’est l’argent qui l’attire.
Dans l’espace étriqué de ce lieu exigu du train, ce voisinage de circonstances ne s’annonce pas idyllique, car, malgré ses demandes, impossible pour Laura de changer de place et elle désire vraiment voir ses pétroglyphes qu’on lui a annoncé comme extraordinaires.
Peu à peu, chacun des deux va découvrir l’autre ne demandant qu’à sortir de sa solitude et à abandonner ses défenses. Ainsi l’accompagne-t-elle lors d’une visite que cet homme rustre fait à sa mère dans une ville où le train s’arrête pour une halte prolongée. D’autres improbables rencontres qu’ils croisent vont peu à peu les rapprocher. En fait, se révèlent, à chacun alternativement, les qualités de l’autre et les coeurs s’ouvrent pour trouver en soi une certaine tendresse à partager.
Dans cet interminable hiver russe où la lumière semble toujours attirée par l’obscur - même les journées restent sombres -, chacun d’eux se suppose voué à la solitude, mais l’imprévu arrive, et c’est la rencontre improbable entre deux êtres que tout oppose et dont le cinéma gratifie parfois les spectateurs.
Le talent des comédiens est pour beaucoup dans la réussite de ce rapprochement, chacun exprimant la sensibilité profonde de son personnage.
Dans le rôle de l’étudiante, Seidi Harlaa est une véritable découverte et son partenaire, Yurij Borisov, a déjà obtenu des récompenses en Russie où il a acquis une certaine célébrité. Ils sont de plus fort bien dirigés par Juho Kuosmanen, un cinéaste à suivre !
Pour réaliser ce genre de « road movie sur rails », ce réalisateur s’est inspiré, sans cependant en faire une adaptation, d’un roman de Rosa Liksom, paru en 2013 chez Gallimard.
Jusqu’ici, le cinéma finlandais se limitait aux réjouissants films d’Aki Kaurismäki. Maintenant on ajoute ceux de Juho Kuosmanen déjà découvert en 2016 à Cannes où il présentait « Olli Mäki » sur un boxeur (un jeune boulanger aux poings d’or). Ce film avait obtenu le prix « Un Certain Regard ».
Cette année, « Compartiment n°6 » est reparti du dernier Festival de Cannes - où il était en compétition - avec le Grand Prix (ex-aequo avec « Un héros » de Asghar Farhadi). Un prix fort mérité que personne n’aurait contesté pour ce film particulièrement inclassable et surprenant que chaque spectateur a ovationné !
Caroline Boudet-Lefort
