Sans générique, « Seize printemps » débute par des jeunes, garçons et filles qui, attablés dans un bistrot, parlent tous ensemble, sauf Suzanne.
En se quittant, ils se font des bisous – ce n’était pas encore interdit !
Suzanne n’arrive pas à s’intégrer au groupe, ne trouve aucun intérêt à ce que disent ses copains de lycée et ne prend nul plaisir en la compagnie des gens de son âge. C’est sur un homme plus mûr qu’elle va flasher. Elle le croise régulièrement devant le Théâtre de l’Atelier (un théâtre parisien bien connu) sur son trajet pour aller au lycée chaque jour. Cet homme, qu’interprète tout en charme, Arnaud Valois, est comédien et, bien sûr, il se montre flatté d’avoir ainsi une groupie avec laquelle il se prête rapidement à créer une complicité. Les diabolos grenadine, pris ensemble au bistro du coin, entraînent une connivence malicieuse, tout en conservant le vouvoiement entre eux. La distance est de rigueur, elle a 16 ans et lui 35, le film reste sage avec une poésie discrète, une tendresse permanente et de longs moments de silence.
Les parents de Suzanne la trouvent différente, changée, sans supposer qu’elle puisse être amoureuse. A la fin du film, Suzanne s’écroulera en pleurant dans les bras de sa mère à qui elle raconte tout.
Dans « Seize printemps », on découvre la fin de l’enfance et l’entrée dans l’âge adulte, cet entre-deux avec tous les bouleversements que cela provoque et qui stimulent la rencontre entre deux solitudes dont les univers sont totalement différents : ni le même âge, ni le même milieu. Mais deux solitudes similaires qui se rejoignent et s’accompagnent.
Le film est-il autobiographique ? On ne sait, mais bien souvent l’adolescence permet de fantasmer sur un monde d’hommes plus âgés. On peut apprécier qu’il n’y ait aucun marqueur d’époque, pas de téléphone portable par exemple. La direction d’acteurs serait le point faible du film, quand ils se parlent dans la rue, ils restent tous deux posés comme des santons. Mais il y a beaucoup de fraîcheur, même dans les maladresses et c’est d’ailleurs attendrissant.
Frédéric Pierrot (le père), Florence Viala (la mère), Dominique Besnehart complètent une excellente distribution et la musique est signée par Vincent Delern.
Suzanne Lindon est à la fois scénariste, réalisatrice et interprète et donc bravo de se lancer si jeune dans une telle aventure avec autant de maîtrise et d’audace !
Réaliser un long métrage n’est pas rien ! Maintenant, on attend la suite. Avec davantage de maturité, espérons-le !
On s’étonne que ce film – un peu mince - bénéficie du label « Cannes 2020 ». Sans doute était-t-il sélectionné par le plus prestigieux festival de cinéma afin de se « vanter » de la jeunesse de la réalisatrice qui n’avait alors pas encore 20 ans (« Seize printemps » aurait du sortir en salles il y plus d’un an !)
Caroline Boudet-Lefort