Tous trois sont d’abord lâchés au milieu de nulle part, au bord d’une route, sans savoir où ils sont.
L’équipe de nos trois journalistes attend son rendez-vous avec Pol Pot, le guide suprême de la révolution.
Dans cette attente, on balade l’équipe de fermes fictives en villages fantômes. Dès que l’un des trois quitte les sentiers balisés, il constate les traces du génocide que l’on cherche à dissimuler. Il y avait eu deux millions de morts, les rivières charriaient les cadavres.
Rithy Panh mêle, à la fiction, des images documentaires de cette période la plus sombre de l’histoire cambodgienne.
Dans le film, les victimes sont représentées par des photos ou des figurines en terre cuite (comme Rithy Panh en avait déjà utilisées dans un film antérieur « L’image manquante », en 2013). Il met ainsi de la distance : les images brutes auraient été insoutenables, la réalité est trop violente.
Chacun des trois journalistes réagit à sa manière devant l’humiliation de les laisser dans une attente interminable. Celui qu’interprète Cyril Gueï est photographe et il ne résiste pas à aller fouiner là où il ne devrait pas (il découvre des cadavres dissimulés), ce qui lui causera bien des ennuis, car ils sont tous les trois sous haute surveillance.
Les trois interprètes sont parfaits avec un jeu très sobre comme l’exigent leurs personnages.
Le réalisateur franco-cambodgien Rithy Panh, lui-même rescapé de ce génocide, poursuit ainsi un devoir de mémoire depuis la fin des années 1980. Il n’aura de cesse de réaliser des films sur ce sujet pour que la mémoire de cet auto-génocide reste dans la durée. Le pouvoir cambodgien ne veut pas qu’on en parle, il veut donner une image favorable, mais certes elle est fallacieuse.
Caroline Boudet-Lefort