La « terre promise » du titre pourrait être celle de territoires ruraux qui recèlent du gaz de schiste aux Etats-Unis et dont l’exploitation est un projet du gouvernement Obama. Mais ce pourrait être aussi la terre en tant que sol ou paysage – ah ! la belle campagne de Pennsylvanie. Le procédé d’extraction dont parle « Promised Land » pose bien des questions...
Un représentant (Matt Damon) de Global, un grand groupe énergétique, se rend avec une collaboratrice (Frances McDormand) dans une petite ville de campagne. Tous deux sont convaincus qu’à cause de la crise économique qui sévit, les habitants ne pourront pas refuser leur lucrative proposition de laisser forer leurs terres pour exploiter les ressources énergétiques qu’elles renferment. A leur arrivée pour leur mission dans le trou paumé, tous deux se hâtent à se fondre dans la couleur locale : vêtements adéquats, ami-ami avec chacun, jeu social qui peut aller jusqu’à la corruption s’il le faut,... Toutes les réticences doivent être chassées pour faire place à un emballement généralisé.
Pourtant, ce ne sera pas aussi simple que prévu : la mécanique va s’enrayer avec un vieux professeur qui persuade les paysans que les produits chimiques utilisés risquent d’infiltrer et de polluer les sols. Un délai de réflexion s’impose, puis un vote ... Enfin, l’arrivée d’un ardent militant écologiste qui s’oppose au projet en consacrant tout son zèle à inventer des révélations et à compliquer tout par une démonstration effrayante des effets nocifs du procédé d’extraction. Le film prend des allures de thriller, d’autant qu’en fait l’écologiste n’est pas celui qu’on croit, il joue double jeu. Dès lors, le ver est dans le fruit et le doute envahit chacun, même le personnage qu’interprète formidablement Matt Damon : de sourires crispés en silences éloquents, on voit la transformation du technocrate qui s’humanise et prend conscience de certaines valeurs.
C’est Matt Damon qui a écrit le scénario avec John Krasinski, mais n’ayant pas le temps de le tourner, il en a confié la réalisation à son ami Gus Van Sant. Promised Land n’est pas un des chefs d’oeuvre du cinéaste, comme le sont Gerry et Elephant, mais, avec ce film, il réussit l’alliance de la fiction et d’une vérité documentaire, en donnant un exemple des dérives contemporaines et de l’usage non raisonné de la technologie. Sur un sujet qui peut glacer le sang, sa démonstration éclaire les moyens crapuleux ou retors d’un puissant groupe d’exploitation du gaz de schiste face à des paysans mal informés dans leur campagne profonde. Ce film sans effets – ce n’est pas le genre de Gus Van Sant – est clair et simple, mettant bien en évidence, dans la scène finale, le sens de l’existence.