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CINEMA : Piazza Fontana - Sortie en salles le 28 novembre

De Marco Tullio Giordana

Thriller politique ou film-enquête sans être une copie de la réalité et sans la clarté d’un documentaire, Marco Tullio Giordana apporte un soin minutieux à la reconstitution de ce fait marquant de l’histoire italienne. A Milan, le 12 décembre 1969, une bombe explose à la Banque Nationale de l’Agriculture sur la Piazza Fontana, faisant 17 morts et 88 blessés. Chargé de l’enquête, le commissaire Calabresi (Valerio Mastandrea) s’oriente vers les anarchistes et vers les milieux d’extrême-droite, mais, peu à peu, il a la certitude qu’il faut aller chercher les responsables vers les hautes sphères politiques jusqu’à la CIA : dans le monde, c’est la période de la guerre froide. Le parti communiste italien était le plus important, aussi le pouvoir américain craignait-il qu’il ne fasse tache d’huile dans toute l’Europe. En suivant la piste qui lui semble la plus évidente, celle de l’extrême-gauche, Calabresi arrête un anarchiste Giuseppe Pinelli (Pierfrancesco Favino) qui se suicide durant son interrogatoire : s’est-il jeté par la fenêtre ? l’y a-t-on poussé ? Lors de son enterrement, les poings se lèvent et les assassinats vont se succéder.


Le titre italien du film de Marco Tullio Giordana est « Romanza di una strage » (Roman d’un massacre), titre d’un célèbre article de Pasolini qui avait tenté une explication et disait connaître les noms des commanditaires des troubles qui firent vaciller toute l’Italie. Pourtant, les faits ne sont pas réellement connus : tout reste à établir, ce à quoi s’emploie le film qui avance à pas prudents, cherchant à raconter ce qui a pu réellement se passer. Il rejoint les thèses les plus récentes sur l’affaire en innocentant Calabresi qui n’aurait pas été dans la pièce lorsque l’interrogatoire de Pinelli a mal tourné. La disparition de sources, des preuves escamotées et des morts suspectes anéantissent toute certitude de vérité dans cette démocratie de complots.
Divers titres de chapitres ponctuent le film de Giordana : L’automne chaud, Les Innocents, La piste rouge, L’enquête parallèle, La raison d’Etat, Dire la vérité, Haute tension, ... Sans nostalgie, ni folklore dans la reconstitution, le film revient pas à pas sur ces années désenchantées, en évoquant une période complexe de remise en cause de la société. Porté par une sincérité évidente dans cet hommage à l’histoire de son pays, Giordana contourne l’écueil de la démonstration militante. De nombreux acteurs de renom ont tenu à y participer, parfois pour d’éphémères apparitions : Luigi Lo Cascio, Laura Chiatti, Omero Antonutti, Fabrizio Gifuni qui interprète Aldo Moro, alors Président du conseil.
Sorti en Italie en mars dernier, le film n’a pas été très bien accueilli. Il titille les gens de gauche et, pour les anciens de 68, trop de choses sont encore à vif, il est difficile de réhabiliter des personnes accusées à tort. Aujourd’hui, il n’y a toujours aucune condamnation pour cet attentat qui reste un épisode crucial de l’histoire de l’Italie : il y a un avant « la Piazza Fontana » et un après...

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