Une route splendide qui donne à voir de magnifiques paysages et de somptueux couchers de soleil. Une route semée de rencontres et de retrouvailles où Fern trouve chaleur et amitié. Sans aucune attache depuis la mort récente de son mari, sa vie sera maintenant comblée de ciels et de ces éphémères rencontres de hasard.
Et voilà, c’est tout le film, cette errance solitaire faite de longues routes et de personnes croisées, parfois un instant, parfois quelques jours.
Des personnes précaires d’un certain âge, des travailleurs saisonniers obligés d’accepter n’importe quel job souvent mal payé, mais avide d’une liberté avec le refus de la course aux dollars et à la réussite sociale. Ce chef d’oeuvre qu’est « Nomadland » ne s’attarde pas sur le problème social de cette précarité, ce n’est pas son propos, il s’agit d’une histoire de solitude en osmose avec la nature.
Elle - Fern, donc - c’est Frances McDormand, remarquable comédienne ! Etant la femme de Joel Coen, on l’a souvent vue dans les films des deux frères. (Impossible de l’oublier en flic enceinte jusqu’aux dents dans « Fargo »). Dans « Nomadland », on l’admire, grâce à la subtilité de son jeu, à l’authenticité qu’elle donne à son personnage qui montre pour l’autre – tout autre – une bienveillance permanente en jouant seulement de mouvements de son visage ridé et en passant du moindre cillement des yeux à des moues de renoncement. Elle est entourée d’une distribution composée d’amateurs dans leur propre rôle. Aussi, étant de tous les plans, elle porte le film et a d’ailleurs été récompensée de l’Oscar de la meilleure actrice.
C’est ça « Nomadland » : la route avalée et les personnes rencontrées ici ou là, dans une entreprise où elle travaille durant quelques jours ou devant un feu de bois où il fait bon se réchauffer ensemble pour se protéger d’une nature parfois hostile.
Dans ces intenses moments de partages toujours brefs, l’entraide est constante dans ces communautés improvisées mais aussitôt solidaires.
Parmi ces affinités électives, une rencontre semble davantage la troubler et elle ira rejoindre Dave (David Strathairn, au jeu très subtil) dans sa maison familiale où il a maintenant décidé de vivre et où il lui propose de s’installer également. Après avoir été étonnée, déconcertée même, de dormir dans une vraie chambre, avec un vrai lit et de vrais draps, Fern ne sera pas convaincue par le confort : elle préfère la liberté de la route, sa solitude et la beauté de paysages variés. Cette conquête de l’Amérique que d’autres avaient faite avant elle, elle s’en réclame par son goût de la nature infinie.
Ce road movie est une excellente peinture de l’Amérique contemporaine, quoique Chloé Zhao soit née à Pékin et conserve sa nationalité chinoise De cette réalisatrice, on avait déjà adoré « Les Chansons que mes frères m’ont apprises » (2015) et « The Rider » (2017). Avec « Nomadland », elle signe son troisième film, récompensé d’un Lion d’Or à la Mostra de Venise et de trois Oscars (Meilleur film, Meilleure réalisation et Meilleure actrice).
Caroline Boudet-Lefort