La jeune héroïne, Nahla (Manal Issa), vit à Damas avec sa mère et ses trois soeurs. En tant qu’aînée, elle est promise à un mariage qui va lui permettre de vivre aux Etats-Unis et elle imagine avec joie sa vie américaine. Mais le jeune homme choisi, déjà expatrié là-bas et venu chercher une épouse de son pays natal, va lui préférer sa jeune soeur.
Se sentant éconduite et pour sortir du train-train entre famille et travail, Nahla se réfugie dans des fantasmes, en particulier à la suite de sa rencontre avec une voisine qui tient un bordel dans son immeuble. Ce lieu développe son imagination érotique et surtout amoureuse en lui permettant d’explorer un univers qui la rassure sur elle-même. La maquerelle au grand coeur et la jeune fille vierge, adolescente chaste qui rêve d’un monde inconnu sans nulle perversion, se retrouvent entre prostituées et clients, habitués de ce petit bordel. Sans oser être déflorée, Nahla garde des fantasmes plutôt chastes, qui pourtant la bousculent, mais la tranquillisent sur son pouvoir de séduction.
Le film ne donne pas accès aux fantasmes de la belle et il est difficile de comprendre la démarche de la réalisatrice qui semble vouloir exprimer que la trajectoire amoureuse et sexuelle d’une jeune fille peut être dominée par l’irruption de la guerre ôtant tout désir autre que celui de survivre. Serait-ce la réalité ? Rien n’est moins certain....
« Mon tissu préféré » est le premier long-métrage réalisé par la comédienne Syrienne, Gaya Jiji. Le petit budget du film a créé des contraintes importantes, obligeant la réalisatrice à trouver des astuces artistiques dans un autre pays que le sien. Par exemple y découvrir des décors naturels permettant de recréer sa ville, Damas, dans une autre ville, Istanbul.
Le film de Gaya Jiji revient encore cette fois, sur la condition de la femme et le poids des conventions sociales dans cette partie du globe, sur l’impossibilité pour une jeune fille de revendiquer sa sensualité hors mariage et son indépendance dans une société corsetée par des rituels auxquels la femme ne peut échapper. Cependant « Mon tissu préféré » parle plutôt de blessure narcissique et de la haine de soi. Les images mentales de Nahla sont plus amoureuses qu’érotiques, cherchant surtout à mettre un peu de piment dans son quotidien monotone.
Si le titre laisse supposer quelque fétichisme, il n’en est rien, et ce conte oriental laisse le spectateur un peu insatisfait, malgré une démarche originale, mais maladroitement définie. Quoique attachant, le film n’est donc pas totalement réussi.
Il laisse cependant augurer d’un changement dans le cinéma arabe... Bravo !
Caroline Boudet-Lefort