C’est l’été, la plage et le soleil les attirent pour des parties de foot, mais surtout tous traînent dans leur quartier d’immeubles délabrés, cernés par le ballet des deux-roues conduits selon le culot des ados. Pour l’argent, les « frères » bricolent des petits boulots plus ou moins honnêtes, tout en s’engueulant et en s’épaulant dans l’adversité.
Malgré son jeune âge, environ 14 ans, Nour est tenu de faire un travail d’intérêt général : repeindre un couloir de son collège. C’est là qu’il rencontre Sarah, une chanteuse lyrique qui anime un cours d’été dans une salle d’où la musique attire Nour.
Cette rencontre va lui ouvrir des horizons insoupçonnés, car cette enseignante découvre en lui des dons de chanteur lyrique et elle l’incite à travailler sa voix et à faire carrière dans ce sens. En se risquant dans « un autre monde », le gamin va en prendre plein la figure de la part de ses frères et sa sensibilité est mise à rude épreuve.
Malgré leur opposition, il parvient à devenir quelqu’un d’autre que celui auquel sa condition le destinait. Pour y réussir, il lui aura fallu manoeuvrer entre mille prétextes afin de suivre les cours de chant que lui donne généreusement cette prof qui a découvert en lui des capacités qui vont évoluer et s’améliorer. Pour elle, c’était un pari un peu fou, mais réussi, et elle l’aide à s’accrocher énergiquement à son projet. D’ailleurs, il ne lâche pas prise et poursuit cet enseignement avec entêtement et ténacité, devenant un fanatique de Pavarotti que sa mère a toujours admiré et qu’il commence à écouter en boucle.
Sans cesse en mouvement, Nour s’agrippe à ce fil miraculeux que lui tend cette prof bienveillante. Judith Chemla est parfaite dans ce rôle, mais les autres interprètes sont tout aussi parfaits. A commencer par le jeune Maël Rouin-Berrandou, une révélation dans ce premier rôle. Et ses frères tout autant, dans leurs personnages de brutes au grand coeur qui cherchent à se tenir droits : Dali Bensasalah, Moncef Farfar et Sofian Khammes (ce dernier décidément souvent à l’affiche).
Un charme prégnant opère tout au long de cette immersion dans le quotidien culturel et familial d’une société où la jeunesse est condamnée à fuir ou à stagner.
Pour ce premier film, très attachant, Yohan Manca a choisi l’adaptation libre d’une pièce de théâtre d’Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre, « Pourquoi mes frères et moi, on est parti ». Il y fait l’éloge de la Culture (avec un grand C) et de l’art, ainsi que du rôle positif qu’ils peuvent avoir dans la vie terne de certains. Et donc de leur importance primordiale dans la société. On sait combien c’est important aujourd’hui !
« Mes frères et moi » était présenté au dernier Festival de Cannes dans la sélection Un Certain Regard où, en tant que premier film, il concourait pour la Caméra d’Or.
Caroline Boudet-Lefort