Marc Duret « Jeu sans frontière »
On l’a vu aussi en petit frère d’Enzo (Jean Reno) dans « Le Grand bleu », en inspecteur dans « La Haine » (Mathieu Kassovitz) et « Dobermann » (Jan Kounen), aux côtés de Juliette Binoche dans « Code inconnu » de Michael Haneke, dans « l’Ogre » de Schlöndorff. Il brille à l’écran, petit ou grand, mais les planches demeurent sa passion. Une passion qui l’a conduit en deux ans à jouer par trois fois à domicile.
A l’Espace Magnan du 10 au 13 avril, il a été le grand Zampano dans une version événement de la Strada.
Va mourire !
« Je suis parti de Nice à 17 ans car, pour entrer dans la carrière d’acteur, il fallait s’expatrier ». C’est pourtant au lycée Alphonse Daudet que Marc contracte le virus des planches qui le mènera au Conservatoire régional. Après un stage avec Madeleine Robinson chez Rosella Hightower à Cannes, il gagne Paris et le Conservatoire national d’art dramatique dont il sort diplômé. Mais de là à signer à la Comédie française ! « A l’époque, c’était comme faire médecine il fallait faire cinq ans ferme ». Marc préfère tailler la route. Le 7ème art vient à sa rencontre via le court métrage dont un réalisé en 1981 avec son frère. Mais c’est grâce à un autre azuréen Nicolas Boukhrief (« Le Convoyeur ») que l’acteur décroche en 1994 un premier rôle dans « Va mourire » tourné à Antibes : « Un long métrage indépendant qui raconte la dérive de trois cacous empêtrés dans leur amours, leur famille et les petites combines. Une comédie douce amère sudiste qui renvoie aux premiers Scorcese et aux Vitelloni ». Dans la peau de Yoyo, jeune paumé au grand cœur qui rêve d’ailleurs, à l’instar d’un certain Marius, tout son charisme s’exprime déjà. L’acteur crée d’emblée l’empathie. Passeur d’émotions, de rêves, capable d’incarner un personnage tout en laissant filtrer sa propre lumière, Marc Duret est de cette trempe-là !
A l’école de Stanislavski
Et pour se former, l’acteur bilingue avec un passeport franco-américain, n’hésite pas à franchir les frontières « A 20 ans j’ai pris une année sabbatique pour aller dans le sud de Londres. Pour moi, avec les russes, c’est deux écoles fabuleuses. La méthode Stanislavski est une référence que chacun adapte à sa façon. J’ai beaucoup appris avec Yevgeny Lanskoy et chez Stella Adler à New York où Brando et De Niro firent leurs classes. J’ai appris à écouter avec les yeux, à laisser toujours un espace ouvert ». Des Maîtres, il en eut d’autres : Jean-Paul Roussillon et Michel Bouquet à Paris. Dès lors, jouer devient une drogue et la plus pure, c’est sur les tréteaux qu’il la trouve. « Le théâtre c’est un engagement total sur deux ou trois mois, c’est une passion si dévorante qu’il m’est arrivé de laisser passer d’autres projets. Le théâtre demande beaucoup mais t’en rend autant. Tous les soirs je suis devant mon public, c’est physique, éphémère ça me dope ! C’est magique aussi, trois bouts de ficelles et on embarque dans une aventure ! »
De Cyrano...
Ses meilleurs souvenirs ? « Je suis gâté en ce moment, Cyrano, Angelo au TNN d’après Victor Hugo et la Mouette de Tchekhov, on repart en Bretagne faire une tournée ! ». Et puis Marc a vécu l’an dernier cette expérience hors norme en interprétant le Comte Dracula de Bram Stoker dans un spectacle de Sylvie Ferro mêlant théâtre et art équestre. « Je jouais avec l’accent des Carpates aux côtés de huit chevaux. Une roumaine m’a fait ce compliment qui m’a laissé sur pied : Cela fait plaisir de voir que des acteurs de chez nous peuvent jouer en France avec un tel talent ! ». Les rôles de composition, les classiques l’acteur s’y est frotté de Shakespeare à Pirandello. Et depuis son retour à Nice, même tarif : une reprise en 2011 de Cyrano signée Brigitte Rico (Espace Magnan, Théâtre de Verdure, etc..), cet hiver « Angelo, tyran de Padoue », un drame de Victor Hugo revu par Paulo Correia. « La salle Pierre Brasseur fut un grand moment d’émotion, je m’y revoyais jeune technicien balayant la scène. J’étais déjà revenu au TNN mais dans la petite salle pour « Juste la fin du Monde ». C’est drôle car c’était le passage de Weber à Benoin, et là pour Angelo c’était celui de Benoin à Irina Brook »
...à Zampano
Avec Gelsomina, c’est au mythe Fellinien qu’il touche, en réadaptant avec Sophie Cossu la Strada. « C’est ma troisième résidence à Magnan après Cyrano et In Utero. » Cette version théâtrale, créée avec la Compagnie monégasque « Les Farfadets », est un événement. Fellini refusa toute adaptation, jusqu’à ce que sa femme Giulietta Masina cède les droits à Pierrette Dupoyet, qui la créa en 1992 en Avignon, seule en scène. « Nous l’avons réécrite pour trois personnages, Gelsomina, Zampano et Il Matto, sorte de Pierrot joué par Kevin Pastore. C’est un travail merveilleux avec la musique de Nino Rota, des voix off en italien, qui me rappellent à mes racines. Nous la jouerons ensuite au Théâtre de la Cité et qui sait, peut être à Grasse ou au TNN ? La force et l’authenticité de ce spectacle redonnent envie de croire au genre humain ! On peut vraiment faire la route avec la Strada (rires) ». Reprendre le personnage créé par Anthony Quinn : un défi, une folie ? « A Los Angeles j’avais sympathisé avec son fils Francesco et Yolande sa mère. Invité à passer un week-end à Rome au domaine qu’Antony Quinn avait acheté, je l’ai vu vivre, sculpter, peindre, répéter. Zampano au cinéma, j’aurais botté en touche, mais au théâtre tu peux proposer autre chose ». C’est tout l’enjeu de cette adaptation qui prend le large avec l’original. « La Strada le temps d’une journée, à trois dans un décor épuré, cela devient un conte, une tragédie grecque ! »
Après avoir été gâté par le 7ème art, nominé pour le César du meilleur espoir masculin (Nikita), Marc truste le petit écran : en Cardinal Briçonnet pour la saison III des Borgia de Tom Fontana (Oz), en Napoléon, rôle principal de "1812, de Feu et de Glace » un docu-fiction diffusé cet automne sur ARTE. Il vient de s’adjoindre les services d’un agent à Berlin et développe le scénario d’un long-métrage qui se déroulera entre Manosque et Nice. Pas vraiment du genre à attendre devant le téléphone, Marc Duret n’a pas fini de nous surprendre !