« Ma’ Rosa » s’attache à une famille de Manille dont l’épicerie - grande comme un mouchoir de poche - sert de couverture pour vendre de la drogue glissée dans des paquets de cigarettes ou de bonbons.
Les parents, un couple de pauvres petits commerçants, sont arrêtés suite à une dénonciation et vont passer deux jours dans les locaux de la police qui leur promet la liberté en échange d’une conséquente somme d’argent. Héroïne au sens propre du terme, Ma’Rosa demande à ses enfants de trouver l’argent nécessaire à leur libération « Débrouillez-vous ! ». À chacun sa combine : « taper » à droite à gauche, vendre sa télé, se prostituer, voler, ....
Dans le commissariat, tout se délite et la corruption va bon train : la police menace, bat, séquestre, enferme les dealers dans l’unique projet d’avoir du fric et de la dope pour eux-mêmes, afin de faire bombance et de s’éclater sur le compte de leurs victimes. L’impunité est totale dans ce pays, on le sait !
Filmé comme un documentaire, « Ma’ Rosa » est un tableau accablant de la corruption policière.
Comme emportée par un tourbillon, la caméra bouge à toute allure pour saisir l’action qui semble déjà être en cours avant même le début du film. Brillante Mendoza donne l’impression que son film s’invente tandis qu’il se déroule et il plonge aussitôt le spectateur dans une réalité où se mêle pauvreté, prostitution, viols, torture, drogue, violence, kidnapping... Toutes ces situations défilent au commissariat.
L’intrigue est née d’une histoire vraie. Voulant cette fois encore montrer la réalité de la pauvreté actuelle et de la corruption endémique dans son pays, Brillante Mendoza a lui-même fait des recherches sur la police pour prolonger l’expérience réelle qui lui a servi de tremplin pour le scénario. Rien d’étonnant à ce que le film ait été mal accueilli aux Philippines, même s’il accorde une grande importance à présenter le dévouement des mères à leur famille et la solidarité familiale, car les enfants feront tout pour racheter la liberté de leurs parents.
D’ailleurs, le réalisateur ne porte aucun jugement sur ses personnages, mais uniquement sur la corruption de son pays où le coupable est l’argent. Aux Philippines, tout s’achète et tout se monnaie. On voit de nombreuses scènes liées à l’argent qui passe de main en main.
Brillante Mendoza fait figure de chef de file du cinéma philippin. Comme son illustre devancier Lino Brocka, décédé il y a déjà 25 ans, il fait un cinéma à la fois simple et sophistiqué, et personne ne filme comme lui le peuple et les rues de Manille – souvenons-nous de « Lola » et de « John John ».
Après « Serbis » (en 2008), « Kinatay » (prix de la mise en scène en 2009), et « Taklub » (2015), Brillante Mendoza est revenu cette année sur la Croisette avec « Ma’ Rosa » qui a valu à son interprète principale, Jaclyn Jose, le Prix d’interprétation féminine. L’actrice philippine était la première étonnée, car, pour l’obtention de ce prix, la concurrence était rude les femmes étant à l’honneur dans d’intéressants rôles de composition (Isabelle Huppert pour « Elle », Sonia Braga pour « Aquarius », Sandra Hüller pour « Tony Erdmann », Marion Cotillard pour « Mal de pierres », Elle Fanning pour « The Neon Demon »..). Pourquoi pas Jaclyn Jose ? D’un naturel confondant, elle est totalement son personnage de Mère Courage qui s’active en permanence et qu’elle trimbale dans les ruelles de la ville où elle trotte sans répit. Accablée de fatigue, mais résistante face à des policiers corrompus, elle fait preuve d’une authenticité et d’une énergie déclenchant une forte émotion.