Qu’est ce qu’un grand film contemporain ?
Pas seulement un très beau film, mais aussi une oeuvre qui cartographie un état cinéma. Pas seulement un film singulier, solitaire, mais une oeuvre qui dialogue avec celles de son époque, s’inscrit dans un paysage, dont elle modifie
légèrement l’appréhension. Tabou de Miguel Gomes est assurément un très beau film, un des plus beaux que l’actualité du cinéma nous ait
donné à voir ces dernières années. Mais c’est surtout la forme la plus contemporaine que peut prendre aujourd’hui un grand film. Tabou
entre à la table de jeu de David Lynch et Apichatpong Weerasethakul pour disputer le même poker formel, non sans précédemment en
avoir puissamment rebattu les cartes.
Ce jeu, ouvert à tous les possibles, ne connait qu’un protocole fixe : couper en deux – comme on le fait d’un jeu de cartes avant des les
distribuer aux joueurs. Mulholland drive, Tropical Malady, Tabou : trois films, depuis l’entrée dans le nouveau millénaire, nous ont semblé
sismographier plus précisément que tous les autres les pulsations de l’époque. Et chacun d’eux comporte cette troublante particularité :
arrivé à leur mitan (un peu après pour le premier, un peu avant pour le dernier), ils s’interrompent brusquement, puis repartent, mais en
ayant reconfiguré leurs paramètres.
Revoir ces trois films coupés en deux – auquel on peut adjoindre un quatrième, pas moins conceptuel malgré son alacrité de farce avec
grosses voitures et surdouées du lapdance (Boulevard de la mort) – permet d’envisager toutes les puissances de cette forme où un récit se
ré-enroule. Parfois pour opérer son propre commentaire, sa propre déconstruction. Parfois au contraire pour se réenchanter, se
propulser à un régime supérieur de fiction (fable, conte, mythe).
Jean-Marc Lalanne
Jean-Marc Lalanne est critique de cinéma depuis les années 90, à Libération, puis aux Cahiers du cinéma (rédacteur en chef de 2001 à la
rentrée 2003), avant de rejoindre Les Inrockuptibles, comme rédacteur en chef et directeur des pages cinéma. Son oeuvre critique qui
considère « tous les cinémas », des films les plus « auteuristes » aux Blockbusters, en passant par le « cinéma post série TV », propose une
approche originale et pertinente, à la fois du cinéma et des sociétés contemporaines à travers leurs diversités cinématographiques.
Le programme
Jeudi 24 janvier - La soirée en un seul morceau
> à 18h30 : Tabou de Miguel Gomez (Portugal, 2012, 1h50)
> à 20h30 : Conférence de Jean-Marc Lalanne sur « Les films coupés en deux »
Vendredi 25 janvier - La soirée Art/Cinéma
> à 18h30 : Tropical malady d’Apichatpong Weerasethakul (Thaïlande, 2004, 2h, vostf)
Présenté par Jean-Marc Lalanne et Patrice Blouin
Samedi 26 janvier - La soirée coupée en deux
> à 18h30 : Mulholland drive de David Lynch (USA, 2001, 2h26, vostf)
Présenté par Jean-Marc Lalanne
Apéritif de l’année nouvelle
> à 21h30 : Boulevard de la mort de Quentin Tarantino (USA, 2007, 1h50, vostf)
Présenté par Patrice Blouin
A venir - Nouvelle exposition du Centre d’art de la Villa Arson
Aequador de Laura Huertas Millan
Ici, là-bas, et Lisboa de Joao Vieira Torres
La Villa Arson réunit les films de deux jeunes artistes issus du Fresnoy - Studio national des arts contemporains. Ces oeuvres ont pour
point commun les fantasmes générés par des paysages réels ou imaginaires. Commissariat : Pascale Pronnier, Éric Mangion.
Samedi 2 février :
En collaboration avec L’ECLAT
à partir de 11h, vernissage et projection toutes les heures (galerie carrée)
à partir de 14h, programmation de films produits par le Fresnoy (grand amphithéâtre).
à 18h, débat sur les outils proposés aux artistes par le Fresnoy, ses méthodes de travail ainsi que ses choix et ses engagements esthétiques.
Exposition du 2 février au 26 mai 2013 - Ouverte tous les jours de 14h à 18h, sauf le mardi et le 1er mai. Projection toutes les heures.
Entrée libre.