Lors de l’entretien d’embauche, sa petite cinquantaine le montre déjà en décalage, avec son début de calvitie et ses fringues ringardes, face à des trentenaires branchés qui s’agitent tant et plus. En fait il apprend que la direction est intéressée par son copinage avec le Maire du village où The Box veut organiser le « Salon du drone ».
Des drones, on en voit partout envahissant tous les lieux, telle une surprise à chaque coin de rue : le comique est au rendez-vous ! De plus, Alexandre (Denis Podalydès) est mis dans des situations rocambolesques. Ainsi, au cours d’un repas, doit-il réussir à placer au moins trois fois le mot « déconnecté », soi-disant le mot le plus professionnel de tous. Pour le comique, sa supérieure hiérarchique (Sandrine Kiberlain) n’est pas de reste : véritable super « business woman » qui dissimule ses fêlures, en bataillant avec son smartphone, sa voiture autonome, sa radio téléguidée et autres machines technologiques qui envahissent de plus en plus la vie actuelle...
Alexandre copine avec Arcimboldo, « entrepreneur de soi-même ».
Voilà donc les problèmes de l’uberisation qui apparaissent aussi dans le film, avec cette illusion d’être son propre patron quoique dépendant encore des autres. Arcimboldo est interprété par Bruno Podalydès lui-même. Ainsi les deux frères (dans la « vraie vie ») se retrouvent à la sortie de l’école pour chercher leur progéniture fictive.
L’histoire, très foutraque, laisse la place à la fantaisie de chacun qui devient un peu bizarre sinon dingo. La vie n’est pas simple quand il faut s’approprier un rôle dans un jeu inconnu où tous les adultes sont infantilisés par l’arrosage de plantes, des parties de ping-pong ou une galette des rois, plutôt que par un quelconque travail. Tous mènent une comédie jusqu’à l’absurde tout en étant contrôlé par une multitude d’écrans qui dénoncent l’escalade de la surveillance où court le monde actuel. Confronté à l’envahissement des machines virtuelles et avec son propre scénario qu’il met en scène en le falsifiant malencontreusement, chacun fait semblant comme dans un jeu d’enfant : « On dirait que je serais un... ».
Grâce à Bruno Podalydès, tout devient comique !
Les corps systématiquement prolongés de smartphones ou parler au téléphone avec des oreillettes dans la rue sont des éléments de vaudeville ou des gags visuels à la Tex Avery. Ce réalisateur possède un univers et une esthétique qui semblent hérités de la bande dessinée. Il jetait les bases de son style foncièrement iconoclaste dès « Dieu seul me voit », comédie qui reçoit le César du meilleur premier long-métrage en 1999. Scénariste de tous ses films, il en confie le rôle principal à son frère Denis pour des personnages toujours à l’ouest. Il est ici rejoint par Sandrine Kiberlain, hilarante en « super woman » autoritaire qui va finalement se montrer totalement démunie avec des yeux qui lancent des appels au secours, comme les deux frères Podalydès qui ne savent faire face à la technologie qui envahit leurs vies – comme celle de nous tous aujourd’hui.
Aussi cette comédie au tempo frénétique est-elle cependant empreinte d’une profonde tristesse !
Caroline Boudet-Lefort