Le même point de départ est à l’origine de ces trois projets : faire parler sans les juger des personnes au travers desquelles le mal peut s’incarner sous diverses formes et montrer ainsi l’horreur qui s’installe peu à peu.
Ayant entendu dire qu’en Birmanie un génocide antimusulman impliquait des moines bouddhistes, Barbet Schroeder décide de se rendre clandestinement dans ce pays pour constater lui-même ce qui relève du fantasme dans l’imaginaire raciste.
Religion sans dieu et fondée sur la méditation et la conscience du changement, le bouddhisme avait été adopté par le cinéaste quand il avait 20 ans. Surtout parce que c’était la seule religion qui a su éviter le fanatisme et l’extrémisme. Mais, un moine, très influent et vénéré par un grand nombre de « fidèles », pourrait être à l’origine d’un génocide à l’encontre de la minorité musulmane des Rohingyas, en Birmanie. Commencées en juin 2012, au sud du Bangladesh et propagées jusqu’au nord de Rangoon - la ville la plus bouddhiste au monde -, des violences ont pris des proportions considérables.
De la prison où il est un temps enfermé, Wirathu diffuse des ouvrages sur l’anti-islamisme birman et appelle au boycott des commerces tenus par des musulmans, en poursuivant son bourrage de crânes à travers des livres. Quoique souriant mais opiniâtre, il exhorte à la haine et au racisme, avec le viol utilisé comme arme de guerre. Cette intolérance religieuse fait actuellement des ravages et la haine frappe la minorité musulmane de Birmanie. Seulement 4% de la population est islamiste.
Sans intervenir lui-même, le réalisateur laisse le soin au spectateur de tirer les leçons de ce qu’il voit et entend. Comment le mal a-t-il pu prendre le visage d’un bouddha ? Le moine, 48 ans, apparaît vite comme un homme néfaste et dangereux, véritable incarnation du mal contemporain.
Il est à espérer qu’aucun spectateur ne prendra sa parole au premier degré dans ce documentaire exemplaire où Barbet Schroeder donne la parole à d’autres moines au bouddhisme authentique, ce qui permet de relativiser et de contredire le « vénérable W ».
Grâce à des matériaux très diversifiés, le film est passionnant : conversations avec Wirathu et extraits de ses sermons, archives de propagande de son mouvement, vidéos d’amateurs afin de témoigner des pillages et incendies exécutés selon ses diktats....
La filmographie de Barbet Schroeder se partage entre films de fiction (More, Barfly, et bien d’autres) et documentaires. Actuellement le Centre Pompidou, à Paris, présente une complète rétrospective de ses films. Tout est à voir ou à revoir !
Caroline Boudet-Lefort
