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Fin de cet événement Décembre 2014 - Date du 17 décembre 2014 au 31 décembre 2014

Le pays de Charlie

Cette semaine la sortie ciné qui fait craquer la rédaction c’est Charlie’s Country : Caroline comme chaque semaine vous dit tout sur ce film à ne pas rater !

LE PAYS DE CHARLIE (Charlie’s Country)

En Australie, dans une réserve du Territoire du Nord, l’aborigène Charlie fait office d’idiot du village. Mais faux idiot, car, en fait, il est bien malin, Charlie ! Il se joue et se déjoue des policiers qu’il croise sur son chemin, alors que le gouvernement amplifie son emprise sur le mode de vie traditionnel de sa communauté.

Le film démarre sur un mode plutôt comique en montrant les facéties de Charlie vis-à-vis des flics locaux qui le connaissent bien, mais bientôt la comédie tourne à l’aigre en révélant les aliénations contraignant les autochtones à respecter les lois, notamment la prohibition de l’alcool et de toute drogue dont la « ganja » (marijuana), alors même que ce sont des plaies endémiques de leur peuple.

Vivant en ville, dans son « humpy », un abri en tôle ondulée, Charlie est un ancien guerrier, perdu entre deux cultures.

Vieillissant, il n’est plus au mieux de sa forme, ne trouvant plus à manger que de la malbouffe. Après confiscation de son fusil, puis d’une lance qu’il a bricolée, il « emprunte » la voiture de la police et part rejoindre sa communauté dans le bush pour tenter le retour à la nature, tandis qu’il clame être habité par l’esprit des ancêtres.

Le film n’est pas manichéen avec de méchants Blancs et de gentils Bushmen, mais il montre la cruauté d’une situation d’un peuple dépossédé de son territoire et condamné à vivre dans des réserves, un peuple dont on nie les traditions, un peuple qui a perdu ses repères et sa culture, un peuple...

Celui qui s’intéresse au cinéma de ce pays retrouvera avec plaisir le comédien David Gulpilil qui, en 1971, rayonnait à l’âge de 17 ans dans « Walkabout » de Nicolas Roeg, pour lequel il était venu à Cannes, il y a quarante-trois ans. Il est devenu une légende du cinéma australien, notamment pour son rôle inoubliable dans « La Dernière vague » de Peter Weir, en 1977. Aujourd’hui, il est Charlie, non seulement en tant qu’interprète, mais aussi pour la conception du scénario. C’est sa vie, semée de cures de désintoxication, qui a inspiré le film à Rolf de Heer, un des metteurs en scène les plus singuliers.
D’origine néerlandaise, installé en Australie, le réalisateur était, en mai dernier, de retour à Cannes huit ans après « 10 canoës, 150 lances et 3 épouses » qui lui avait valu le prix du jury d’Un Certain Regard.

Cette année, dans la même sélection, c’est le prix d’interprétation masculine qui est allé à David Gulpilil plus vrai que vrai avec toute l’authenticité requise pour ce personnage à la fois malicieux et émouvant.
Pour l’aider à se remettre d’aplomb dans sa mauvaise passe (dépression, alcoolisme, prison,...) Rolf de Heer lui a proposé ce tournage sur ces récentes expériences, ce qui a été une véritable rédemption pour le comédien.

Souvent filmé en gros plans, son visage s’est buriné, mais le corps est resté celui d’un éternel jeune homme aux cheveux blancs. Empreint de mélancolie, il porte le spleen de l’homme noir soumis à des règles strictes et parqué dans l’espace clos d’un territoire pourtant immense avec des paysages splendides. Si l’apartheid est soi-disant terminé, il n’en reste pas moins des traces. La transmission est le seul héritage possible : Charlie veut initier les enfants à la danse aborigène, celle-là même qu’il avait exécutée devant la Reine d’Angleterre pour célébrer l’ouverture de l’opéra de Sydney. Un souvenir lointain qui reste proche.

Sortie en salle ce mercredi 18 décembre 2014
Photo de Une et toutes photos de l’article : David Gulpilil © Nour Films

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