Marié depuis longtemps et très amoureux de sa femme, Halim garde, bien dissimulé, le secret de son homosexualité. Quoiqu’il ressente pour sa femme un amour sincère, son désir sexuel est cependant attiré par ailleurs. Il donne le sentiment de se battre. Se battre avec lui-même. En silence.
Lubna Azabal était l’interprète principale de « Adam », le précédent film de Maryam Touzani. Son rôle est moins important dans « Le bleu du caftan », mais il est tout en délicatesse et subtilité. Surtout quand l’harmonie de la vie du couple se trouve bouleversée par une grave maladie pour Mina : un cancer qui la condamne. S’ensuit l’arrivée, devenue indispensable, d’un apprenti (incarné parfaitement par le nouveau venu, Ayoub Messioui).
Dès lors, se confronte un trio d’amours contrariées où tout devient impossible à vivre en pleine lumière : un trouble émotionnel gagne le couple. Quoiqu’il aime Mina, l’attirance de Halim le porte ailleurs et la venue du jeune apprenti révèle son désir refoulé pour un amour impossible. Il calfeutre en lui ses pensées intimes et camouffle son réel désir, avec la fuite d’une partie de son énergie. Dans ce couple très uni, chacun va aider l’autre face à une situation troublante.
C’est subtil, bouleversant, sans jamais en venir à la démonstration.
Les regards deviennent furtifs, les gestes retenus et les corps s’évitent... Tout importe davantage que les paroles échangées qui ne peuvent pas exprimer l’essentiel des pensées. Le spectateur est captivé par le moindre souffle, la moindre échappée de modification de respiration, dans un rythme lent et silencieux.
Ce film pudique et délicat est le second long-métrage de Maryam Touzani qui avait déjà séduit le public en 2020 avec « Adam », ayant obtenu un certain succès en parlant de la connivence féminine.
Dans « Le bleu du caftan », les images de cette histoire intime, insoluble et troublante, sont montrées dans des clairs obscurs qui flattent les visages et les tissus, les magnifiant comme des tableaux de Vermeer ou du Caravage, en moins sombre. Tout ce qui se passe entre les personnages est exprimé par leurs regards.
Les mots sont inutiles pour des émotions fragiles : le film n’est pas bavard pour parler d’une sensualité précaire, fascinante.
Un tissu bleu prend une place importante, avant de devenir un caftan, le caftan bleu du titre qui sert pour la formation du jeune apprenti.
Coupé du monde extérieur, ce travail de couturier est silencieux, concentré. La clientèle est exigeante, ne comprenant pas que le « travail fait main » demande des délais qui semblent excessifs. D’autant que ce labeur du quotidien est, lui aussi, traité par Maryam Touzani de manière sensuelle, au plus près de la chair, avec des regards, des corps, des gestes retenus qui comptent aussi davantage que les mots.
Subjugué et attiré sensuellement par son apprenti, Halim n’en reste pas moins attaché à Mina sur laquelle il porte son attention, en refoulant son désir rentré pour un amour impossible. Tout est subtil, bouleversant, rien n’est souligné avec insistance.
Caroline Boudet-Lefort