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Sunlight !

La Riviera sous les sunlights ! Arnaud Duterque, régisseur en charge d’organiser les tournages de A à Z est resté fidèle à son pays natal. Même s’il lui arrive de faire quelques escapades - il revient d’un tournage dans les Ardennes avec Stephen Frears -, son QG demeure les Studios Riviera. Ce quarantenaire œuvre en tant que régisseur à Nice depuis 1990. Il fait ses premiers pas avec le « Zèbre » (Jean Poiret) puis sur « Le fils de la panthère rose » de Blake Edwards avec Roberto Benigni. Très vite il devient le régisseur préféré des réalisateurs anglais et américains (Stephen Frears, Danny Boyle, Woody Allen, Monty Python, Brian de Palma etc). Entrons avec lui dans les coulisses des derniers grands tournages azuréens.

La Victorine, une vieille dame toujours en activité ?

C’est un des atouts de la Côte. Ses studios offrent une proximité immédiate avec l’aéroport la possibilité pour une grosse production d’y louer une cinquantaine de bureaux, et d’avoir sous la main un parc d’une centaine de véhicules. Sans oublier l’humain. La Victorine a produit plusieurs générations de techniciens. Le savoir-faire de ses constructeurs a valu à plusieurs d’entre eux de rallier les productions de Luc Besson y compris pour ses tournages dans la capitale. Ils n’ont pas ça à Paris pas plus qu’à Marseille qui attire surtout la télévision. Le 7ème art reste très lié à la Côte. L’autre atout, c’est la météo qui dispense les productions d’assurances coûteuses pour les dépassements dus au mauvais temps. Les peintres sont venus ici pour la lumière, les cinéastes ont pris le relais dès l’ouverture des studios.

L’autre atout, la variété des décors ?

Mer, campagne, montagne, villes, villages, tout est dans un rayon de 50 kms. Sans oublier l’architecture très variée, dont de superbes villas qui sont devenues de véritables stars !

Image du film « Grace de Monaco » à la Turbie © Gaumont

Quels sont les lieux les plus demandés ?

Le Cap d’Antibes, car les demeures offrent de vastes jardins qui descendent en pente douce vers la mer. Parmi elles, la Villa Eilenroc, propriété de la ville d’Antibes, que l’on peut emménager sur trois étages mais aussi l’Hôtel Eden Roc et la villa Médi Roc avec ses impressionnants escaliers menant vers l’embarcadère. J’ai tourné également à l’Hôtel Belles Rives. A l’est, les incontournables restent Villefranche-sur-Mer et sa citadelle, le grand hôtel du Cap Ferrat et l’hôtel du Cap Estel. Sans oublier la grande corniche, mythique pour plusieurs générations de réalisateurs américains depuis qu’Hitchcock y a tourné « la Main au collet ».

Et à Nice ?

Le vieux-Nice revient souvent. J’y ai supervisé une poursuite de voitures mémorable pour le premier « Transporteur » de Besson. On a bloqué toute la vieille ville pendant quatre jours. C’était après l’accident de Taxi 2 qui fit un mort. Il a fallu sécuriser 130 commerces et 140 habitations, avec 500 personnes pour bloquer chaque palier au passage d’une BMW roulant pied au plancher.

Image du film « Le Transporteur » dans le Vieux-Nice © EuropaCorp TF1 Films Production

Dans « L’homme de la Riviera », remake de « Bob le flambeur » tourné sur la Côte par Neil Jordan (oscarisé pour « Entretien avec un Vampire »), le héros joué par Nick Nolte devait braquer le Casino de Monaco. Devant le refus de la SBM, nous avons dû, en quelques jours, transformer en Casino le Hall du Régina à Cimiez, obscurcir sa verrière pour simuler une scène nocturne avec 300 figurants. Coût de l’opération : 500 000 dollars. Mais la vedette incontournable reste le Negresco et notamment son bar séculaire où nous avons installé l’an dernier la caméra de Woody Allen.

« Magic in the Moonlight » fait partie de la sélection du prochain festival de Cannes. Quels sont les lieux qui ont séduit Woody Allen ?

J’avais participé à la préparation de « Midnight in Paris », mais c’est le premier tournage que je faisais entièrement avec Woody Allen. Le film est tourné intégralement ici dans l’ambiance années 30, avec 250 personnes, 100 véhicules, 12 loges, 6 cantines.

Parmi les villas belle époque, très peu ont été conservées intactes sauf Eilenroc où l’on a tourné. Nous avons récréé l’ambiance des premiers clubs de jazz enfumés dans la cave Bianchi à l’orée du vieux Nice. Le comptoir de bar dont l’autre moitié est au Negresco venait d’un clipper (ndlr : bateau à voile). On a fait des plans à Vence au château Saint Martin, sur la grande Corniche et à Menton où j’ai retrouvé une salle de jeux dans son jus belle époque. Woody Allen aime être surpris par les décors et comme il écrit ses propres scénarios, il peut rajouter une scène au débotté. L’opéra de Nice était en travaux mais le réalisateur a craqué en le voyant. Nous avons fini par obtenir l’autorisation. Je l’ai amené à l’Observatoire. Il a été fasciné par l’architecture de Garnier, le lendemain il avait écrit une scène qui s’y déroulait. Imparable pour un film qui s’appelle « Magic in the Moonlight » ! Nous avons également pour une séquence, ce qui est rare, construit un décor de théâtre, en studio à la Victorine.

Des anecdotes ?

Woody Allen est très réservé sur un plateau. Mais il y en a une : il avait reçu une invitation à une soirée au Cap d’Antibes signée « Roman ». Woody Allen s’y est rendu, persuadé qu’il s’agissait de Roman Polanski. Quelle ne fut pas sa surprise en découvrant cette demeure pharaonique et son immense parc ! « Je savais que cela marchait bien pour Polanski mais à ce point ? » Il a compris sa méprise en voyant venir à lui Roman Abramovitch, l’oligarque et milliardaire russe.

L’autre long-métrage auquel vous avez collaboré récemment est lui aussi attendu au Festival de Cannes, il fera son ouverture ?

Devant enchaîner avec le Woody Allen, je n’ai pu qu’assurer les repérages pour « Grace de Monaco », d’Olivier Dahan avec Nicole Kidman dans le rôle titre. Nous n’avons pas pu tourner au Palais princier, un bijou unique par son alchimie de styles. Trouver l’identique fut un défi mais c’est à Gènes, ville qui recèle une quarantaine de nobles demeures, que l’on s’est rabattus, sur le Palais royal. C’est le seul décor tourné en dehors de la Côte d’Azur.

Nick Nolte et Tchéky Karyo dans « L’homme de la Riviera » (The good Thief) © TFM Distribution

Photo de Une : Nicole Kidman dans « Grace de Monaco » © Gaumont

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