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Fin de cet événement Avril 2015 - Date du 2 avril 2015 au 30 avril 2015

La Maison au toit rouge

Cette semaine Caroline vous conseille d’aller découvrir La Maison au toit rouge de Yoji Yamada !

En 1936, une modeste jeune fille, Taki, quitte sa campagne japonaise pour aller travailler comme domestique dans une maison – au toit rouge - en banlieue de Tokyo.

Un paisible couple bourgeois y vit avec leur fils de 6 ans. La jeune bonne s’intègre aisément à leur vie familiale très ritualisée. Mais, l’arrivée d’un nouveau collègue du mari va bouleverser la quiétude : la jolie jeune femme est irrésistiblement attirée par cet homme délicat et Taki devient témoin involontaire de cet amour clandestin.

Jusqu’à ce que la grande Histoire, avec les atrocités du conflit sino-japonais, se mêle à la petite histoire du triangle amoureux.

Soixante ans plus tard, le neveu de Taki, pour un travail universitaire sur l’époque, interroge sa tante devenue très vieille et fait revenir à la surface les souvenirs enfouis. Le récit est construit en flash-back suivant la mémoire de l’ancienne domestique à la demande de son neveu qui, se replongeant dans les écrits de sa tante, découvre une lettre scellée porteuse d’un terrible secret trop longtemps gardé. Il constate que remords et regrets n’ont jamais cessé de hanter Taki.

Adapté d’un roman de Kyôko Nakajima, le film est un mélo tout en retenue qui restitue les fastes du cinéma japonais d’autrefois, en même temps qu’il tisse un poignant portrait de femme.

La narration en deux époques permet de créer un décalage subtil entre les souvenirs subjectifs sur le difficile contexte politique de l’époque et la vie d’aujourd’hui. La mise en scène de Yoji Yamada y trouve un équivalent dans une sorte de kaléidoscope pour signifier l’éclatement du récit. A travers le point de vue de Taki, le talentueux réalisateur trouve une approche qui permet de revenir à l’époque des faits et de joindre le passé au présent.

L’oeuvre de Yoji Yamada - 83 ans et 80 films - reste trop méconnue en France et il faut remonter à 2005 pour la sortie en salles de l’excellent « La servante et le Samouraï ». Dans « La maison au toit rouge », le contexte des années 1930 et 1940 donne lieu à une reconstitution visuelle qui exprime le ressenti nostalgique de l’héroïne. Tous les codes du cinéma sont réunis dans ce mélodrame autour de la classe moyenne. Le romantisme est assumé sans tomber dans le cynisme. Tous excellents, les comédiens rendent leurs personnages émouvants et font preuve d’une formidable puissance d’incarnation dans un jeu tout en subtilité. Ils sont nos repères au coeur d’un processus complexe de dévoilement de la vérité.

Malgré le classicisme narratif autour du trio « le mari, la femme et l’amant », de nombreux éléments sociologiques appuient le récit tragique du scénario : la position de la femme dans la société japonaise de l’époque, la lutte des classes, l’exploitation des plus faibles, le fanatisme politique, le refus de voir son monde s’écrouler avec les privilèges qui en découlent... Tous ces thèmes sont suggérés sans lourdeur, sans en faire un dossier démonstratif.

Par sa facture, le film évoque le cinéma japonais d’un temps passé, comme un hommage qui n’a rien de désuet.

La reconstitution de cette époque et du mode de vie dans une période débutant avant la deuxième Guerre Mondiale et s’achevant après la défaite du Japon ont rarement été représentés au cinéma et s’avèrent passionnants.

Présenté dans le cadre des Rencontres Cinématographiques de Cannes en décembre dernier, « La Maison au toit rouge » y a été sélectionné pour l’attribution de l’Ours d’Argent de la Meilleure actrice accordé, à Berlin, à Haru Kuroki dans le rôle de Taki.

Toutes photos de l’article : © The Little House“ Film Partners

Sortie le 1er avril 2015

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