Ivrogne errant, Luciano est amoureux de l’intense Maria et la réciprocité à son attirance les pousse à se retrouver dans des coins d’une nature sauvage et splendide. Mais Luciano, sans cesse révolté, s’oppose à la tyrannie, encore féodale, du prince de la province. Celui-ci ferme à clé une porte d’entrée au village, obligeant ainsi les bergers à un grand détour pour faire paître leurs bêtes.
La quête d’idéal de Luciano le conduira au bord du précipice. Car, alimentée par les passions et la jalousie, la rivalité grandissante entre les deux hommes l’incite à commettre l’irréparable. Contraint à l’exil jusque dans la lointaine Terre de feu, à l’extrême Sud de l’Argentine, l’infortuné criminel se met en quête d’un immense trésor enfoui au fond d’un lac, en étant guidé par un étrange crabe (celui du titre). Cette découverte pourrait bien être sa voie vers la rédemption en revenant immensément riche dans son village. Luciano cherchera longtemps ce mystérieux trésor, entouré de chercheurs d’or d’une cupidité redoutable. Leurs aventures fabuleuses virent alors au western où les coups de feu sont de règle. L’univers insolite de ce film n’interdit rien, aussi le drame rural a-t-il viré en film d’aventures.
Empreint d’insolite, « La légende du Roi Crabe » se divise en deux parties avec des paysages tout aussi splendides dans chacune d’elles quoique totalement différents.
Dans l’une, les photos magnifiques de cette éblouissante région d’Italie entre la Toscane et l’Ombrie, avec tavernes de paysans et praires où s’allongent Luciano et Maria pour leurs rencontres amoureuses. Alors que la deuxième partie montre une éclatante immensité déserte de l’extrémité de l’Amérique du Sud, évoquant des contrées mentales presque imaginaires.
La plupart des interprètes sont des villageois originaires de Vejano où les deux réalisateurs avaient réalisé leur film précédent (Il solengo, en 2015), un documentaire sur la région qui se réclame de ses origines étrusques.
Cette fois, ils ont préféré la fiction. Dans le rôle de Luciano, Gabriele Silli, est un ami artiste plasticien, avec un air halluciné et des traits de caractère proches du personnage pour lequel il s’est appliqué à obtenir le ton juste. Il semble un étranger, un intellectuel, parmi les paysans authentiques. Vêtue d’une robe d’un autre temps afin que le film reste atemporel, Maria Alexandra Lungu est une comédienne déjà expérimentée. Le défi principal pour les réalisateurs a été de trouver une méthode adaptée aux villageois sans avoir à exiger d’eux qu’ils répètent plusieurs fois la même scène.
Le film est intrigant de façon surréelle et envoûtant, également par la musique de Vittorio Giampietro, basée en partie sur des chants populaires. Ainsi, malgré son inscription dans une réalité rurale, le film prend la tournure d’un conte magique ou d’un poème désespéré pour une quête mortifère.
Caroline Boudet-Lefort