Veuve d’une cinquantaine d’années, Patience Portefeux est interprète judiciaire franco-arabe spécialisée dans les écoutes téléphoniques pour la brigade des Stups, un travail précaire payé au noir par le Ministère. Elle n’arrive plus à joindre les deux bouts entre les frais pour ses deux filles qu’elle élève seule et le paiement de l’EHPAD pour sa mère maintenant à sa charge.
Aussi, lors d’une opportunité, passe-t-elle de l’autre côté avec une incursion insensée dans un réseau mafieux du trafic de drogue du quartier de Belleville, à Paris. Dans ses traductions de l’arabe qu’elle maîtrise parfaitement, elle ne livre pas tout à la Police. Inscrivant « conversation sans intérêt pour l’enquête », elle conserve pour elle certaines précieuses informations pour la livraison d’un butin qu’elle pourra s’approprier afin de faire elle-même de riches magouilles d’un commerce avantageux. Elle fonce et tend les bras à cette situation inattendue, en mentant beaucoup et en manipulant, mais, en même temps, en conservant ses valeurs morales.
Foulard sur la tête, djellaba et immenses lunettes, la voilà, peu à peu, devenue chef et donc surnommée « la daronne » par les trafiquants de drogue avec lesquels elle fait affaire. « Daronne » est un mot d’argot pour désigner une « mère ».
Tout est mené tambour battant par cette femme qui assoit parfaitement son trafic.
Elle adopte un « chien policier à la retraite » et, grâce à lui, retrouve la cachette de l’énorme cargaison. Par son travail de traductrice, elle est informée des agissements des flics chargés de l’enquête et réussit ainsi à les berner avec toujours un temps d’avance. Tout est malicieusement mené sur le ton de la comédie. On s’amuse de la manière dont les petits délinquants parlent leur jargon, mais surtout on retient le parfum d’audacieuse amoralité et de cynisme achevé que trimballe ce film balançant avec humour autant le fonctionnement erratique de la justice française que ses prétentions.
Ce film – sans aucune morale - n’a d’autre objectif que de distraire et c’est réussi !
Isabelle Huppert mène son personnage tambour battant, passant aisément de son rôle de fille affectée par la maladie de sa mère à celui de trafiquante qui règne sur la mafia, en scrutant la justice avec ironie. Il lui faut sans cesse trouver des astuces farfelues pour faire ses micmacs en écartant la Police qui la cerne. Les billets de banque s’empilent, des rouleaux tombent, s’égarent sur la chaussée !
Dans l’appartement de Patience Portefeux, une photo d’elle dans sa jeunesse attire les regards de chacun. Elle représente pour elle une époque de liberté qu’elle cherche sans cesse à retrouver...
Pour ce film, Jean-Paul Salomé, cinéaste de films fantaisistes, s’est inspiré d’un roman éponyme à succès (Grand Prix de la littérature policière) de Hannelore Cayre qui a participé elle-même au scénario.
Caroline Boudet-Lefort