Bien que diplômé d’un doctorat en philosophie, le héros de « La Chute de l’Empire américain » n’a d’autre boulot que celui de chauffeur-livreur. Le voilà témoin, par hasard, d’un braquage spectaculaire où deux sacs bourrés de billets sont abandonnés devant lui. Belle opportunité pour cet idéaliste de les récupérer et de rapidement filer avec. Mais ensuite comment faire pour profiter de cet argent sans éveiller les soupçons de la police sur les dents, ni ceux des gangsters à la recherche de leur pactole ? Il appelle à l’aide un ancien taulard qui en sait long sur les magouilles. Ils s’associent en ajoutant à leur duo, pour blanchir l’argent, une belle call-girl aux yeux en amandes. Dès lors tout s’organise en de savoureuses entourloupes.
Il a beau avoir l’air d’un benêt ahuri avec ses petites lunettes cerclées, sa relation à l’argent change dans ces circonstances inattendues. Il dit qu’« il faut apprendre à aimer le destin, le fatum ».
Fort de ses études, il cite souvent des philosophes et toujours de façon très appropriée.
Le Québecois Denys Arcand n’a rien perdu de son ironie depuis « Le Déclin de l’Empire américain » titre auquel son nouveau film fait référence de façon un peu malicieuse (était-ce nécessaire ?).
Il porte ici un regard sans illusion sur la société actuelle et tente de prouver qu’en chaque citoyen modèle sommeille l’avidité vis-à-vis de l’argent, même en ce garçon idéaliste qui s’est empressé de développer ses valeurs sociales altruistes dans une scène pré-générique et qui d’ailleurs donne de son temps à une association caritative. Laquelle participera allègrement à la suite des événements, car c’est aussi pour aider les plus démunis que notre héros s’approprie l’argent.
Evidement tout n’est pas crédible dans cette histoire (particulièrement l’idylle avec la belle escort girl), mais qu’importe ! Nous sommes au cinéma et Denys Arcand propose son astucieuse version de la spéculation moderne dans ce film engagé et résolument critique, mais surtout d’une ironie irrésistible.
Dans cette montée en puissance du suspense et des révélations des « mécanismes » des paradis fiscaux, chacun joue sa partition avec jubilation et une intensité électrisante.
Nous sommes contents de retrouver René Girard, un habitué du cinéma de Denys Arcand, auquel se joignent Alexandre Landry et Maripier Morin...
Bien sûr pas de réponse au problème des paradis fiscaux et de « l’argent sale », mais plutôt une sorte d’épopée farfelue d’autant plus efficace qu’elle est mesurée et drôle. Le film s’amuse de ces pontes de la finance dont les coups de fil s’enchaînent comme des perles pour protéger ou couvrir leurs richissimes clients. Chacun y trouve son compte, sauf la justice. La force du film est de nous entraîner au-delà des repères rassurants d’un combat entre le bien et le mal. La terrible ambiguïté de l’homme trouve ici une étonnante dimension, quoique nous ne quittons pas l’univers de la comédie !
On rit beaucoup !
Caroline Boudet-Lefort